Entretien avec Anne Dupuy

27 août 2013


Anne Dupuy, après un début de carrière comme rédactrice de mode au Jardin des Modes, a fondé un bureau de Style. Elle a créé de nombreuses collections en France, au Japon, en Italie, en Belgique, de prêt-à-porter Femme – Homme – Enfant et de tissus. Elle intervient régulièrement en tant que conseil et directrice artistique. Parmi ses nombreuses missions : Nina Ricci . Max Mara . Lanvin. Etam (lancement de la chaine 1-2-3). Groupe Redcats – La Redoute . Alain Manoukian . Jousse . Absorba . Renown-Look (Japon). Xandrés (Belgique). Angelo Tarlazzi . Passionnée d’écologie depuis longtemps, elle s’est spécialisée depuis deux ans sur la Mode et le Textile Bio pour NATEXPO.

Quelles différences faites-vous entre mode bio, mode écologique, mode éthique et mode équitable ?

•La mode biologique est la plus naturelle car elle utilise les fibres de plantes issues de l’agriculture biologique – coton, lin, chanvre – cultivées sans engrais ni pesticides.

• La mode écologique utilise des fibres qui ne sont pas issues de l’agriculture biologique certes, comme le Tencel extrait de la pâte d’eucalyptus, mais dont les process de transformation sont inoffensifs pour la santé et l’environnement.

Ces deux premières « modes » bénéficient de diverses certifications internationales, dont la plus courante est la certification GOTS.

• La mode éthique, dans un registre un peu différent, est le produit d’une industrie qui soutient les pays en voie de développement.

• La mode équitable, quant à elle, doit souvent son essor à des ONG qui cherchent à promouvoir l’artisanat local pour employer et venir en aide aux femmes opprimées, dans les pays du Sud.

Même si ces deux derniers modes de production sont naturels, ils ne reçoivent pas de label écologique.

Quelles sont les tendances actuelles en matière de mode durable ?

Parlons plutôt de « mode écologique », qui est une appellation plus générale.
Le caractère « durable » quant à lui s’exprime dans une tendance forte : « slow-fashion » ou « slowear , (à l’opposé de la « fast-fashion » ou mode jetable) : des vêtements, minutieusement élaborés, dans le respect des normes écologiques, faits pour un plus long cycle de vie. Aujourd’hui, le virage amorcé il y a trois ans se confirme. Une nouvelle génération de stylistes, issus de nombreuses écoles de mode, privilégie la mode écologique et, bien souvent, l’utilisation des teintures végétales pour ses créations.

Par ailleurs, les corners de vêtements bio et écologiques se développent beaucoup dans la grande distribution. Un nombre croissant de boutiques et de distributeurs de mode bio « pure players » sur Internet, étend son réseau en France. Dans le même temps, les médias sensibilisent l’opinion sur la toxicité de certaines substances utilisées par l’industrie textile. Tout ceci va dans le bon sens. Mais la route est encore longue.

Le marché français est en retard, par rapport à d’autres pays européens comme l’Allemagne, la Scandinavie, les Pays-Bas et la Grande-Bretagne, dans lesquels la mode écologique est déjà très installée.

Comment pensez-vous que ce secteur évoluera ?

C’est une évolution progressive mais irréversible.

Dans la décennie à venir, se dessinent deux voies prioritaires :

• l’innocuité des vêtements portés à même la peau. La prise de conscience sur la nocivité de certains produits utilisés par l’industrie textile, bien qu’assez récente, se propage largement actuellement. La composition des tissus, des apprêts et des colorants, sera de plus en plus étudiée avec soin, conformément aux normes et à la législation écologiques.

• A fortiori la layette, destinée aux tout-petits, sera l’objet de toute l’attention. Les jeunes mères d’aujourd’hui sont très informées, très soucieuses de l’environnement et de plus en plus exigeantes quant à la protection de la santé, contrairement aux générations antérieures. Les fabricants devront prendre en compte cette évolution irrésistible.

La législation « Reach », qui se met en place depuis 2007, en matière d’utilisation de teintures et d’achèvements non toxiques pour la santé publique et pour l’environnement, contribuera au bien de tous, à celui de la planète et à l’essor de la mode biologique. Du Bio, du Beau, du Bon, du Bien… au quotidien.

La mode biologiqe et écologique sera mise à l’honneur lors du Salon Natexpo. Comment s’organise le village textile ?

Au cœur du Salon NATEXPO, « Le Jardin de la Mode », un espace consacré à la Mode et au Textile écologiques, rassemblera ses exposants autour d’un Forum illustrant un jardin de plantes tinctoriales . Au centre seront exposées les silhouettes primées du Concours de Création Eco-Mode . Autour on trouvera des panneaux et éléments pédagogiques expliquant les coloris végétaux, actuellement en pleine renaissance.

Le Concours de Création Eco-mode Natexpo que vous organisez est l’une des grandes nouveautés du salon. Pouvez-vous nous présenter ce concours ?

Il s’agit pour les 35 participants, issus de six grandes Ecoles de Style françaises, de créer et réaliser deux silhouettes sur le thème « Rêve » et « Réalité », dans les tissus biologiques offerts par nos Partenaires-Tisseurs . 600 mètres de tissus , montrant la diversité des matières biologiques, leur ont été donnés. Dans certains cas, ces tissus étaient écrus, et ce sont les élèves eux-même qui les ont teints, avec les colorants végétaux mis à leur disposition. Les 70 silhouettes seront présentées le 24 septembre à un jury d’experts de la Mode et de la Bio, présidé par Nelly Rodi, styliste de renom et vice-présidente de la Chambre de Commerce de Paris.

Comment se déroulera cette présentation ?

Elle sera « mise en Seine » sur un bateau, amarré au pied de Notre-Dame, le Mardi 24 septembre, au cours d’un petit défilé devant les membres du jury et un comité restreint . Le modèles primés seront ensuite montrés aux médias au cours de la conférence de presse qui suivra. Puis il seront exposés les 20-21-22 octobre sur « Le Jardin de la Mode » du Salon NATEXPO.

Les professionnels des produits bio et naturels sont aussi des ambassadeurs du bien-être. Quelle est la formule gagnante de votre hygiène de vie ? Avez-vous un conseil à donner à nos lecteurs ?

En ce qui me concerne : une alimentation légère avec beaucoup de légumes et de fruits. Du chlorure de magnésium chaque matin. Une vie en mouvement : danse classique, ski, natation, pour contrebalancer les longues heures assises pour créer. La musique, l’échange et l’amitié.

Un secret ?

Vivre intensément le moment présent.

Un regret ?

Ne pas avoir plusieurs vies. Il y a tant de choses passionnantes à voir, à faire, à apprendre, à transmettre.

Une recette d’équilibre ?

Tendre vers « la sobriété heureuse » chère à Pierre Rabhi. Et rechercher, à égalité, le partage avec les autres, pour vibrer, et la solitude, pour créer.

Propos recueillis par Natexbio


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