Entretien avec Célia Rennesson, co-fondatrice et Directrice Générale de Réseau Vrac

24 février 2023

À l’occasion du Mois du Vrac qui débute le 1er mars partout en France, nous sommes partis à la rencontre de Célia Rennesson, co-fondatrice et Directrice Générale de Réseau Vrac. Célia nous fait part de ses motivations, qui l’ont poussé à créer cette association, et de ses engagements à défendre ce mode de consommation.

Célia Rennesson, co-fondatrice et directrice générale de Réseau Vrac
Crédit photo : Arnaud Juhérian 

Natexbio Célia, pouvez-vous nous parler de votre parcours, et de ce qui vous a amené aujourd’hui à créer Réseau Vrac et en assurer la Direction Générale ?

Célia Rennesson : J’ai toujours été sensible au sujet du gaspillage et des déchets d’emballage. En 2012 j’ai vu un reportage sur Bea Johnson, cette française qui vit aux États-Unis, et qui s’était convertie au zéro déchet avec sa famille, arrivant à concentrer tous leurs déchets durant un an dans un grand bocal !

Cela a provoqué chez moi un déclic, une envie d’aller plus loin dans la démarche que j’avais déjà au quotidien. Et, au fur et à mesure que je me mettais au zéro déchet, j’ai souhaité faire de cet engagement un métier.

J’ai d’abord voulu devenir commerçante, mais à cette époque-là, en 2012, je ne trouvais pas de réseau particulier pour avancer, poser mes questions, trouver des prestataires, des partenaires… Au fil des rencontres, j’ai pris conscience qu’il fallait un catalyseur pour toutes ces envies, tous ces besoins, et avec le soutien de l’association Zero Waste France, et de professionnels du secteur, j’ai fondé en 2016 l’association Réseau Vrac. 

Natexbio : Et quel avait été votre parcours auparavant ?

Célia Rennesson : J’ai fait cinq années d’études à Dauphine, un parcours économique, et obtenu un master de recherche en économie industrielle. Puis, j’ai travaillé trois ans dans un cabinet américain de conseil en stratégie, quasiment tout le temps à l’étranger, dans des groupes industriels ou du secteur de l’énergie. J’ai ensuite rejoint un autre groupe américain de publicité extérieure durant 6 ans : 3 à la Direction Générale, où je travaillais sur les plans stratégiques et les grands appels d’offres et 3 autres dans une nouvelle cellule en tant que Responsable de l’Innovation. Le fameux « déclic » a eu lieu quand j’étais à ce poste, et après mon mariage en 2015, j’ai pris la décision de quitter l’entreprise pour me consacrer à mon nouveau projet.

Natexbio : Comment peut-on définir Réseau Vrac aujourd’hui ?

Célia Rennesson : Aujourd’hui Réseau Vrac représente une équipe de 13 personnes ; c’est une association de loi 1901, qui fédère l’ensemble des métiers de la filière vente en vrac : producteurs, transformateurs, équipementiers, opérateurs logistiques et magasins ; sans oublier les porteurs de projets. Cela équivaut à peu près à 1200 adhérents, mais en réalité nous représentons environ 2000 entreprises, à l’exemple du réseau Biocoop, qui compte plus de 700 magasins pour une seule adhésion.

« Je n’ai pas inventé le vrac, mais, avec Réseau Vrac, je permets à ce marché de se structurer et de se développer. »

L’objectif est de permettre au citoyen d’avoir une véritable alternative à l’usage unique. Et ce choix doit pouvoir se porter sur tous les produits du quotidien, au plus proche de son domicile, et que ce soit pratique et hygiénique. En 2012, les limites au vrac étaient importantes et tous les magasins n’en proposaient pas, et ceux qui en proposaient n’avaient pas de rayons très étoffés : pas forcément de lessive, ni papier toilette, sauce soja, vinaigre balsamique ou huile d’olive… la tenue des rayons était inégale d’un magasin à l’autre et la manière de se servir n’avait pas beaucoup évolué depuis les années 80.

« Si on veut que les gens achètent en vrac, on doit continuer à dépoussiérer, rendre plus pratique et hygiénique, inspirer confiance. »

L’idée pour nous est de démocratiser le vrac en structurant, en développant et en encourageant ce marché et les différents publics à passer au vrac.

Natexbio : Peut-on préciser toutes les missions de Réseau Vrac ?

Célia Rennesson : Notre mission s’inscrit dans trois principaux piliers qui sont :

Structurer le marché : par des actions de lobbying, pour faire évoluer tout le cadre législatif, normer les pratiques, etc. Nous avons créé par ailleurs des formations qui n’existaient pas, comme la réglementation, les bonnes pratiques d’hygiène, la gestion d’un rayon vrac, l’ouverture d’un commerce vrac, etc. Nous mettons également en place des groupes de travail pour répondre à des problématiques techniques, par exemple, les durées de vie secondaires pour certains produits…

Nous souhaitons que le marché ait des règles claires, connues et applicables par tous. 

Développer le marché : la première chose à faire est d’animer, mettre en réseau les acteurs adhérents, fournisseurs et distributeurs. Nous créons un certain nombre de services et d’outils pour nos adhérents. Nous menons des études, en interne ou par le biais de partenaires. Nous nouons des partenariats comme avec Ecocert, ou MiiMOSA, pour faciliter le crowdfunding et l’émergence de nouveaux acteurs. Sans oublier le magazine Bio Linéaires, dans lequel nous écrivons régulièrement pour conseiller les acteurs du marché du vrac. Et l’événement majeur reste pour nous le Salon du Vrac et du Réemploi, qui se tiendra du 14 au 15 mai 2023 pour sa deuxième édition. C’est devenu l’événement-phare de la filière.

Encourager tous les publics à passer au vrac : les consommateurs, les collectivités, les entreprises, mais aussi la sphère journalistique… nous animons tous ces publics au travers de conférences, de conventions en partenariats avec les régions, de webinars d’information… Deux fois par an nous invitons des journalistes pour les informer en profondeur sur des sujets très précis de la filière. Et l’emblème-phare de ce pilier citoyen, c’est le Mois du Vrac, qui a lieu en mars.

Natexbio : La réduction des emballages, voire leur disparition totale reste-t-elle la vocation principale de Réseau Vrac ?

Célia Rennesson : Notre but est clairement de mettre fin au gaspillage et aux emballages à usage unique. C’est notre monde idéal et il existe plein de solutions pour y arriver. Celle que nous poussons, c’est le vrac, car il permet d’acheter au plus près de ses besoins sans surconsommer ; c’est le seul mode d’achat qui évite de jeter, et de choisir librement le contenant dans lequel mettre ses produits, et le réutiliser. Nous poussons le vrac côté consommateurs, mais aussi en amont, entre les fabricants, les producteurs et les magasins ; nous créons des boucles de réemploi des emballages. Par exemple, avec l’initiative que nous avons lancée du « hub vrac », le magasin se fait livrer les produits dans des bacs qui seront lavés et réutilisés pour la prochaine commande plutôt que dans des sacs en plastique jetables.

Natexbio : Quel est le profil des personnes qui viennent se former chez Réseau Vrac ?

Célia Rennesson : Ça a beaucoup évolué ! Au début nous suivions le profil de maturité du marché, c’est à dire que nous n’avions pratiquement que des porteurs de projet, ce qui était logique. Aujourd’hui 85% de nos adhérents en formation sont des professionnels du secteur en activité : des gérants de commerces vrac, des réseaux de magasins, des agenceurs de rayon vrac… forcément le profil des personnes que nous formons évolue, nous sommes passés du porteur de projet qui voulait ouvrir un magasin à celui aujourd’hui du salarié de boutique vrac. Nous les formons surtout sur les bonnes pratiques d’hygiène, ou sur la réglementation, nos deux formations phares.  En ce qui concerne la réglementation, nous avons une Directrice Juridique en interne, qui s’occupe de toute la partie lobbying et formations. Il faut savoir que nous créons nous-même la réglementation, et depuis que nous avons lancé Réseau Vrac cela bouge sans cesse ; au niveau français et européen.  

Natexbio : Récemment nous vous avons vu réagir sur les réseaux sociaux à propos d’une offre de vrac « emballé » proposée aux consommateurs d’une enseigne de Grande Distribution. Une totale aberration ?

Célia Rennesson : Oui car ce n’est pas du vrac, tout le contraire ! Et cela n’est pas du tout une nouvelle forme de demande de la part des consommateurs, mais bien une erreur de compréhesion d’un magasin. Cela démontre à quel point il y a encore une méconnaissance du sujet, et qu’il y a de la formation à faire auprès des magasins et du secteur. Au risque de perdre le consommateur, qui ne va pas comprendre ce qu’est le vrac, ce que ça lui apporte, et qui risque de s’indigner et de parler de greenwashing ! C’est un risque réel pour l’image de la filière. D’où l’importance des formations qui aujourd’hui selon moi ne sont pas assez prises au sérieux ; les magasins pensent qu’ils savent faire, ou estiment qu’ils n’ont pas le temps, alors que la première clé d’entrée du vrac, c’est le magasin.

« Il est primordial pour les magasins de se former en continu pour bien faire leur métier, avoir un rayon vrac qui fonctionne, et qui ne perde pas le consommateur. »

Natexbio : Le 1er mars débute « Le Mois du Vrac », pouvez-vous nous en parler ?

Célia Rennesson : C’est une initiative que nous avons lancée en 2022, afin de permettre au plus grand nombre de prendre conscience de notre consommation actuelle, et des possibilités qu’offre le vrac au quotidien. C’est l’occasion, pendant 31 jours, de se mettre, ou se remettre, au vrac. Pour cela nous avons mis en place tout un dispositif. Cette nouvelle édition est « marrainée » par la comédienne Lucie Lucas, engagée dans l’écologie et le vrac, qui va représenter et inciter le public à passer à ce mode de consommation. Nous avons aussi des événements organisés partout en France, par les professionnels du secteur – entreprises, fabricants, magasins – qui ont l’occasion durant un mois d’animer leur point de vente, d’ouvrir les portes de leur entreprise, d’organiser des ateliers, faire des conférences autour du vrac. Nous les référençons gratuitement sur le site consommer vrac, via une carte des événements qui se remplit en temps réel, pour permettre aux citoyens d’aller à la rencontre du vrac et d’échanger avec les professionnels. Actuellement, nous avons plus de 70 événements référencés.  Nous avons créé aussi une newsletterune nouveauté cette année, à laquelle nous encourageons chacun à s’inscrire depuis notre site internet avec des cartes cadeaux à gagner pour les nouveaux inscrits. C’est un véritable programme d’accompagnement pendant tout Le Mois du Vrac : une newsletter par semaine, qui aborde une thématique du vrac, avec notre marraine Lucie Lucas. On y lance des défis à réaliser chaque semaine autour de cette thématique, pour engager le consommateur. Enfin, il y a aussi une campagne digitale sur les réseaux sociaux, avec les portraits des citoyens que nous retrouvons dans la page du Mois du Vrac. Le tout est complété par des kits de communication à télécharger librement sur le site, pour les professionnels et les particuliers, afin de les aider à s’engager. Pour les magasins, ce kit va servir de véritable outil de dialogue avec le consommateur, grâce aux affiches à mettre en rayon.

Natexbio : Merci Célia, le mot de la fin ?

Célia Rennesson : Oui, je voudrais mentionner Les Trophées du Vrac et du Réemploi, qui seront remis lors du Salon du Vrac et du Réemploi en mai prochain. Ils mettent en lumière les innovations de ce secteur jeune et dynamique. Il nous reste également encore quelques stands disponibles pour les acteurs qui souhaitent prendre part à cette filière.  J’encourage les professionnels à s’inscrire et à faire candidater leurs innovations aux trophées s’ils en ont.  C’est un salon national B to B unique qui est consacré à la filière du vrac et du réemploi des emballages, et nous sommes, la France, le seul pays au monde à avoir réalisé cela, que ce soit pour ce salon ou pour Le Mois du Vrac. Il faut en être conscient, il faut en être fier et s’y engager sans arrêter. La planète n’attend pas. 

Pour en savoir plus : 

Site : www.reseauvrac.org

Propos recueillis par Christophe Beaubaton pour Natexbio

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