Entretien avec Katia Tardy, co-fondatrice de « Handi-Gaspi », 3ème lauréat du Natexbio Challenge 2021

5 novembre 2021

Entretien avec Katia Tardy, co-fondatrice de la biscuiterie Nantaise « Handi-Gaspi », toute jeune entreprise Bio, solidaire et 100% féminine, présente au salon Natexpo qui a eu lieu du 24 au 26 octobre dernier.

Equipe Handi-Gaspi
De gauche à droite : Alix, Katia et Louise, co-fondatrices d’Handi-Gaspi

Equipe Handi-Gaspi
De gauche à droite : Alix, Louise et Katia, co-fondatrices d’Handi-Gaspi

Natexbio : Katia, parlez-nous un peu de Handi-Gaspi, sa genèse ?

KT : « L’idée de fonder Handi-Gaspi a été la suite logique de nos parcours respectifs. Juste avant cette démarche, nous travaillions, Alix, Louise et moi-même dans une association Nantaise qui promouvait déjà le travail des handicapés et l’anti-gaspillage. Rattacher notre projet aux valeurs de la Bio, du local allait de soi. Pour résumer Handi-Gaspi : nous formulons et fabriquons des biscuits bios à partir de pains invendus collectés dans la région Nantaise auprès de l’enseigne « La Panetière des Hameaux », donc nous opérons en circuit court, et les vendons pour le moment dans les Biocoop autour de Nantes également. L’upcycling reste au cœur de notre démarche. Nous sommes encore une très jeune entreprise : créée en mai 2021, la production a débuté en septembre, et le référencement en magasins bio au mois d’octobre sur une dizaine de Biocoop près de chez nous. Nous sommes en pleine phase de référencement à la fois sur les MSB et les magasins vrac. »

Natexbio : Quels étaient vos parcours respectifs, vos motivations ? 

KT : « À la base nous sommes toutes les trois titulaires d’un diplôme d’Ingénieur en agro-alimentaire, et avons chacune nos compétences propres. Alix est spécialiste de la R&D : elle sait parfaitement comment fabriquer un bon biscuit en utilisant 20% de pain revalorisé pour chaque recette. Louise s’occupe des différents process de production, poste qu’elle a auparavant occupé dans une autre entreprise de la Bio. Et en ce qui me concerne j’étais dans la fonction commerciale et marketing au sein du Groupe Nestlé, un poste dans lequel je ne me sentais pas vraiment à ma place, qui manquait de sens à mon goût. Et un jour nous nous sommes retrouvées toutes les trois à travailler au sein d’une même association pour la promotion du travail des personnes handicapées ; un travail qui avait du sens pour nous. »

Natexbio : Ne pas gaspiller la nourriture était votre motivation principale ? 

KT : « Oui, du moins l’une des principales. Je vous donne un chiffre : 50 000 tonnes de pains invendus gâchés chaque année dans les boulangeries Françaises ; ça fait réfléchir… Pour notre part nous récupérons les 7% d’invendus de notre boulangerie partenaire, ce qui représente quand même 20 tonnes de pain par an qui vont servir à fabriquer nos biscuits sablés. Mais nous avions aussi à cœur d’aider de notre mieux des travailleurs handicapés à s’épanouir dans leur métier. Handi-Gaspi répond à un double-objectif : environnemental et social. Et puis il y a aussi, les valeurs de la Bio et du circuit court qui sont une évidence pour nous. »

Natexbio : Les travailleurs handicapés, parlons-en : comment vous êtes-vous soucié de leur statut professionnel, des opportunités de travail qui pouvaient se présenter à eux ?

KT : « De par notre mission au sein de l’association dans laquelle nous nous sommes rencontrées, nous avons passé beaucoup de temps en ESAT avec des travailleurs handicapés, vécu l’expérience du travail avec eux, et ce que nous en avons retenu nous a beaucoup plu, au point de vouloir continuer l’aventure au travers de notre propre projet. Nous avons aussi remarqué qu’ils aimaient particulièrement travailler sur les fabrications « alimentaires », car ils avaient une perception plus globale de leur tâche. L’aspect environnemental était aussi un point important à leurs yeux. »

Natexbio : Et comment se sentent-ils au sein de l’entreprise ? Est-ce que ça change leur vie ?

KT : « Ils ne sont pas nos salariés. Nous avons créé le concept, les recettes, la gamme de produits, et nous les fabriquons en partenariat avec une équipe de salariés d’un ESAT, à qui nous assurons une partie de leur activité. Aujourd’hui, nous apportons un travail régulier à 10 personnes handicapées qui fabriquent nos biscuits au sein de notre ESAT-partenaire. Et ils se sentent très bien dans ce travail : ils sont heureux de fabriquer des denrées alimentaires, ça a plus de sens pour eux, ils nous le disent souvent !  Leur joie et leur fidélité à travailler avec nous en sont la plus belle preuve. »

Natexbio : Parlez-nous un peu de vos biscuits, les recettes, la gamme ? Quelle valeur ajoutée ?

KT : « En gamme sucrée, nous avons cinq recettes qui marchent bien : des cookies aux pépites de chocolat ou tout chocolat ; des sablés citron amande, chocolat orange, chocolat noisette, tout chocolat, ou encore sarrasin pur beurre. Et nous avons en projet pour cette année une gamme de biscuits salés que nous sommes en train de développer. »

Sablé Sarrasin Handi-Gaspi
Sarrasin
Sablé Tout Chocolat Handi-Gaspi
Tout Chocolat
Sablé Chocolat-Orange Handi-Gaspi
Chocolat-Orange

Natexbio : Avec quels ingrédients travaillez-vous ?

KT : « L’ingrédient principal, qui fait le succès de notre marque, ce sont les pains invendus que nous récupérons auprès d’une boulangerie partenaire de la région, nous ajoutons par la suite les divers ingrédients bio nécessaires pour réussir nos délicieux biscuits, comme la farine, le beurre, les noisettes ou le chocolat ; mais nos recettes restent secrètes (rires !) »

Natexbio : Où et comment sont vendus vos produits ? 

KT : « Pour le moment, nous nous concentrons sur le local, c’est la philosophie de notre marque. Donc nous distribuons nos biscuits via le réseau de magasins bio spécialisés Biocoop autour de Nantes. Et nous sommes aussi en contact pour densifier notre réseau de distribution via d’autres enseignes, toujours dans l‘agglomération Nantaise. À terme, notre souhait serait d’exporter le concept Handi-Gaspi à d’autres régions, avec des modes de fonctionnement similaires. »

Natexbio : Vos consommateurs, qui sont-ils ? Pourquoi achètent-ils et aiment-ils vos produits ?

KT : « Difficile de répondre à cette question car notre marque est toute jeune et nos produits distribués depuis 1 mois seulement ! Ce que je peux dire, c’est que nos consommateurs ont le profil des clients « Biocoop » et bienveillants face à notre démarche ; ils sont à la fois gourmands, friands de bons biscuits, et attachés à toutes les valeurs que nous défendons : l’engagement, le côté « acteur », l’histoire du produit, la RSE, la protection de la planète.… L’aspect « anti-gaspi » de notre démarche reste un gros « plus » car peu de marques alimentaires, et à ma connaissance encore moins de marques de biscuits proposent une telle démarche. »

Natexbio : Envisagez-vous le marché du vrac comme un axe de développement ?

Sablé Chocolat-Noisette  Handi-Gaspi
Chocolat-Noisette

KT : « Oui, totalement, puisque c’est actuellement notre mode exclusif de distribution depuis le lancement de nos biscuits en octobre 2021. 

Mais nous allons mettre sur le marché en mars 2022 une gamme en pack « zéro déchet » en tant qu’offre complémentaire, sous la marque KIGNON, LE PETIT BISCUIT QUI A TOUT BON ! 

Nous testons actuellement un certain nombre de matières écologiques et durables afin de proposer un conditionnement avec une empreinte environnementale très faible. »

Natexbio : Et qu’en est-il de votre outil de production ?

KT : « Nous disposons d’une production semi-automatisée, installée dans l’ESAT avec lequel nous travaillons ; c’est à dire que nous avons développé un certain nombre de machines, moules, mélangeurs… qui restent actionnés par l’homme, et adaptés à nos travailleurs handicapés, en l’occurrence les 7 personnes formées et dédiées à la fabrication de nos biscuits, sous notre contrôle bien sûr. Nous avons aussi une dizaine de personnes handicapées qui travaillent à l’emballage et aux expéditions. »

Natexbio : 2022, une année avec de nouveaux projets ? De nouvelles recettes ? Un fort développement de l’entreprise ?

KT : « Oui c’est certain ! Un élargissement de la gamme, nous en avons parlé avec l’apparition d’une offre en salé et d’une gamme en packs ; mais aussi de nouveaux locaux bien à nous au sein de l’ESAT avec qui nous travaillons, et dans lesquels nous intégrerons notre unité de production et notre siège. Nous allons former une trentaine de personnes pour étoffer l’équipe de fabrication, les impliquer dans le choix de nouvelles machines, discuter de leur façon de travailler et les horaires souhaités, afin de rendre leur tâche plus agréable. Et, bien sûr le développement du concept Handi-Gaspi est envisagé sur d’autre régions Françaises et d’autres ESAT, ou le travail « à façon » avec d’autres producteurs, ou pour de la MDD. Notre objectif annuel à terme serait de produire 150 tonnes de biscuits par an, ce qui équivaut à 10 millions d’unités, 30 tonnes de pains revalorisés, ou encore 120 000 baguettes ! »

Natexbio : Avec le recul, comment analysez-vous votre participation au Natexbio Challenge ?

KT : « Comme beaucoup de jeunes entreprises en création, nous y avons vu en premier l’opportunité de nous faire connaître : nous n’avions pas encore de produits sur le marché, nous n’avions pas encore rencontré d’experts du secteur de la Bio qui pouvaient réagir et nous conseiller sur notre démarche. Et aussi, nous avions remarqué que parmi les membres du jury figuraient des représentants des réseaux Biocoop et Naturalia… encore une occasion intéressante de nous approcher des distributeurs. »

Natexbio : Vous venez juste de terminer votre premier salon Natexpo : comment l’avez-vous vécu ? 

L’équipe Handi-Gaspi au salon Natexpo entourée de membres du Jury du Natexbio Challenge 2021 (Sandrine Doppler, gérante de SDC Consultant, Pierrick De Ronne, Président de Natexbio et Jeanne Courouble, cheffe d’entreprise et auteure)

KT : « Extrêmement bien ! Nous avons adoré l’ambiance foisonnante du salon, et nous avons été comblées par l’accueil très positif de notre concept et de nos produits par les visiteurs professionnels ; cela démontre le réel intérêt de notre démarche, et peut-être que de futurs entrepreneurs ont déjà le projet de créer de nouveaux produits à base d’aliments recyclés et avec l’aide de travailleurs handicapés… Le fait d’avoir un stand si rapidement sur le salon nous paraissait un peu prématuré mais en fait ce fut l’occasion inespérée d’observer l’engouement autour de notre projet, et du coup d’accélérer certaines décisions, valider des hypothèses de travail, avoir des réponses bien plus rapidement que ce que nous avions prévu !  Ce stand qui nous a été offert par le Natexbio Challenge en tant que lauréat a été une vraie opportunité pour nous. Nous avons noué de nombreux contacts, fait de belles rencontres avec de potentiels partenaires et distributeurs, il faut les travailler maintenant !»

Natexbio : Pouvez-vous nous nous en dire plus sur ces contacts noués sur le salon Natexpo ?

KT : « Alors ce sont des profils très larges, qui peuvent aller des enseignes de distributeurs (elles sont toutes passées nous voir !), mais aussi des partenaires potentiels (par exemple des brasseurs) qui pourraient nous fournir des sous-produits ou des co-produits susceptibles d’être utilisés pour nos recettes et nos productions de biscuits. Toutes ces rencontres avec ces acteurs de la Bio sont très riches pour nous, elles nous permettent d’échanger en direct sur les opportunités de financement, de distribution, sur des conseils auxquels nous n’aurions pas forcément pensé. Ces échanges nous ont boosté sur nos projets, et permis de revoir notre stratégie de développement ! »

Natexbio : Votre 3ème prix au Natexbio Challenge a été investi comment ? sous quelle forme ?

KT : « Mis à part le stand à Natexpo dont nous venons de parler, nous investissons notre 3ème prix dans un nouveau local équitable, du matériel de production et de nouvelles recettes. »

Natexbio : Pour terminer, pouvez-vous nous donner votre recette personnelle du bonheur ?

KT : « Sans hésiter je dirais que c’est d’être alignée entre ma vie personnelle et ma vie professionnelle. Notre projet nous permet ainsi d’être en accord avec les valeurs qui nous sont chères, comme l’anti-gaspillage et la valorisation du travail des handicapés ; de générer de belles énergies, des relations humaines de qualité, de faire de belles rencontres, dans la bienveillance… nous avons pu atteindre cet objectif en créant Handi-Gaspi. »

Propos recueillis par Christophe Beaubaton pour Natexbio

Crédit photos Handi-Gaspi

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