Entretien avec Laëtitia Van de Walle, fondatrice de Lamazuna

12 mai 2022

Lamazuna n’est pas une marque de cosmétique bio comme les autres : outre la qualité des produits qu’elle propose, son objectif de vider nos salles de bain d’un maximum de déchets, et ses engagements environnementaux forts, en font un modèle de RSE à suivre. Sa fondatrice, Laëtitia Van de Walle, nous dresse son portrait à l’instant T.

Laëtitia Van de Walle, fondatrice de Lamazuna
Laëtitia Van de Walle, fondatrice de Lamazuna

Natexbio : Bonjour Laëtitia, parlons un peu de votre histoire. Qu’est-ce qui vous a amené à créer la marque Lamazuna ?

Laëtitia Van de Walle : J’ai créé Lamazuna il y a douze ans, j’avais alors 25 ans. A l’époque, après avoir monté diverses petites associations, lancé des sites internet et autres projets, je voulais vraiment créer mon entreprise. J’avais eu l’idée de créer des lingettes démaquillantes lavables, efficaces juste avec de l’eau, un projet qui me ressemblait vraiment, c’est comme cela qu’est née Lamazuna. Je me suis accroché au projet, fait beaucoup parler de la marque sur les réseaux sociaux, participé à de petits salons de créateurs, afin de médiatiser au mieux mon projet. Je me suis beaucoup mise en avant sur les réseaux sociaux, je n’ai pas trop pour habitude d’en parler mais c’est vraiment ça qui m’a permis de démarrer l’aventure en 2010. L’originalité de Lamazuna était d’être une DNVB (Digital Native Vertical Brand) à un moment où ce terme était très d’actualité. Les débuts ont été très longs et j’ai dû attendre 2015 pour les premiers résultats notables, en raison de l’explosion de la notion de zéro déchet, qui fait partie maintenant de notre vocabulaire. A l’époque, on parlait de produits « écolomiques », contraction de « écologique » et « économique ». C’est aussi grâce à la COP21 qui se tenait en France cette année-là et qui a beaucoup sensibilisé le public sur le problème de la pollution des plastiques dans les océans, que beaucoup de jeunes consommateurs sont devenus végan ou végétariens, et le zéro déchet a pris toute sa place dans leurs préoccupations. En peu de temps, Lamazuna est passé du statut de « marque rigolote » dont on offrait les produits un peu décalés pour Noël, à celui de marque engagée qui apportait une vraie solution à ces problèmes, et là, ça a tout changé.

Natexbio : À l’époque, en termes de produits et de production, de nombre de salariés, d’évolution, comment était la situation ?

LVDW : Notre premier produit, les lingettes démaquillantes, était fabriqué avec l’intervention de six fournisseurs différents, juste pour obtenir un coffret de lingettes. Tisser, découper le tissu, fabriquer la boite, le filet de lavage… ce qui explique qu’historiquement je n’ai pas intégré la production en interne. J’ai vécu l’aventure toute seule pendant cinq ans et j’ai commencé à me payer en 2015 pour la première fois, ainsi qu’à embaucher les premiers salariés dans la foulée. Nous avons ouvert un bureau et une boutique à Paris en 2016, jusqu’à ce que nous déménagions dans la Drôme en 2018, nos locaux Parisiens étant vite devenus trop petits (nous stockions même les marchandises dans notre boutique de 50 m2) ! Au moment de déménager nous étions 14 personnes dont 11 à quitter Paris et nous avons embauché une dizaine de personnes en arrivant sur le nouveau site. Aujourd’hui, une quarantaine de salariés travaillent chez Lamazuna.

Natexbio :  Peut-on parler du sourcing nécessaire pour vos produits ?

LVDW : Nous avons une trentaine de fournisseurs différents en France, sauf pour les têtes de brosses à dent qui sont faites dans le nord de l’Italie. Nous essayons au maximum de sourcer localement ou nationalement nos ingrédients, ce qui n’est pas toujours évident, notamment au niveau de la cosmétique solide, comme pour les savons, pour lesquels nous voulons privilégier les bonnes odeurs ou les bonnes couleurs. Mais certains ingrédients encore indispensables viennent de plus loin, comme le beurre de karité ou de coco.

Natexbio : Que pouvons-nous dire à propos de vos recettes ?

LVDW : Il existe chez nous une équipe « innovation » qui formule tout en interne, en nous appuyant sur les labos avec lesquels nous avons l’habitude de travailler. Nous souhaitons aller de plus en plus loin en interne au niveau des formulations, afin de préserver nos secrets de fabrication ! S’installer dans la Drôme nous a permis de nous rapprocher d’un de nos fournisseurs privilégiés pour la fabrication de nos produits.

Natexbio: Quelle est  la gamme que vous proposez aujourd’hui ? Et les labels ?

LVDW : 50% de la gamme est représentée par les cosmétiques solides, c’est la partie la plus visible. L’autre moitié est constituée des « accessoires durables », c’est à dire les lingettes, les coupes menstruelles, les organisateurs de salle de bain, et tous les accessoires nécessaires pour vraiment faire disparaître les déchets de nos salles de bains. Nous sommes labellisés « Cosmos Organic » sur une grande partie de la gamme, et « Slow Cosmétique » sur toute la gamme, et Vegan, bien sûr.

Natexbio : Que dire sur le marché, le cœur de cible consommatrices(teurs) ? Les valeurs ajoutées de la marque ? Faites-vous des démos en magasins ?

LVDW : Notre « persona » est très marquée, c’est une femme de 25 à 45 ans, mais nous aimerions vraiment élargir cette cible, car nos produits s’adressent presque à tout le monde, et aux hommes notamment. Les hommes commencent à acheter nos produits, mais il est possible que nos packs très colorés attirent plus une clientèle féminine.

En termes de valeur ajoutée, le côté « pratique » de nos produits est à mettre en avant, et aussi une efficacité remarquable. Aux débuts de la cosmétique solide, les shampoings par exemple étaient difficiles à faire mousser ; mais les progrès de la recherche sur les ingrédients ont amené de grandes améliorations et un réel confort d’utilisation.

Autre exemple marquant : notre après-shampoing que nous avons pu reformuler grâce à un tout nouvel ingrédient, et nous obtenons la même efficacité qu’avec une version liquide. Il est difficile pour nous d’organiser des animations en magasins pour tester cette efficacité, en dehors des réseaux sociaux. Cependant nous y sommes présents pour promouvoir le zéro déchet. Travailler avec des influenceuses sur internet est une habitude bien ancrée chez nous, que ce soit pour la promotion des produits, et encore plus pour valoriser nos engagements autour du zéro déchet, surtout avant la crise sanitaire, qui a un peu freiné l’engouement autour de ce sujet.

Natexbio :  Parlez-nous des circuits de distribution que vous utilisez.

LVDW : Les magasins bio spécialisés, depuis nos tous débuts, sur toutes les enseignes ou presque, et en parapharmacie également. Et comme beaucoup de marques comme la nôtre, nous avons un site e-commerce qui génère 10% de nos ventes. Étonnamment cette règle des 10% reste de mise en suivant l’évolution de notre chiffre d’affaires. Donc 90% des ventes se font en magasin, ce qui étonne parfois ceux qui pensent que nous sommes une entreprise qui mise tout sur le commerce internet. C’est certainement lié à notre présence importante sur les réseaux sociaux.

Natexbio : Le cru 2022 : un nouveau site basé sur la permaculture d’entreprise et les économies d’énergies.

LVDW : L’éco-lieu correspond à un objectif que nous nous étions fixés en quittant Paris, celui de cultiver nos propres légumes sur notre lieu de travail, et de les cuisiner sur-place pour le déjeuner. L’idée étant aussi de vider nos poubelles de la cuisine, après avoir vidé celle de la salle de bain. En interne, cela rend aussi les gens plus autonomes et responsables sur leur temps de déjeuner, en plus de leur amener une nourriture plus saine et non transformée comme c’était le cas quand nous étions sur Paris.

Quand nous sommes arrivés dans la Drôme, nous avons commencé par avoir des locaux en location, afin de voir si le lieu nous plaisait. Et nous y avons trouvé un terrain juste à côté, à moitié zone commerciale et zone agricole. C’était parfait pour notre projet d’éco-lieu, quand nous avons commencé à y travailler sur la construction, entourés de cinq bureaux d’études qui nous ont aidé à pousser le plus loin possible le projet en termes de solutions écologiques.

Nous avons réussi à construire un bâtiment à énergie positive, grâce aux panneaux solaires qui vont produire plus d’énergie que nous n’en consommerons ! Nous ne disposons également pas de climatisation pour nos locaux, mais de puits canadiens et des batteries adiabatiques, qui assurent une fraîcheur naturelle en été, malgré les fortes chaleurs qui règnent dans notre région. Nous avons également une immense cuve à eau située sous l’espace stockage du bâtiment, dont la fraîcheur va contribuer à la régulation thermique de notre bâtiment.

Cette démarche correspond vraiment à la philosophie de la marque, tout ce que nous appliquons à nos produits, nous essayons aussi de l’appliquer à notre lieu de travail, et rester en accord avec nos valeurs en contribuant à la réduction des gaz à effet de serre. C’est en sacré engagement pour nous car nous avons dû investir deux fois plus dans la construction d’un tel bâtiment, sans aides particulières pour cela.

Éco-lieu Lamazuna
Éco-lieu Lamazuna

Natexbio : Que peut-on ajouter sur votre RSE et les engagements de la marque ?

LVDW : Nous pouvons parler de notre gestion interne, notre concept « d’entreprise libérée » en devenir, nous y travaillons actuellement. Nous avons notamment mis en place des horaires particuliers pour les salariés, qui terminent à midi le vendredi, et aussi le mercredi pour les parents, en compensant par des journées un peu plus longues les autres jours de la semaine. Ils restent ainsi à 35 heures/semaine en ayant jusqu’à deux après-midis de libres avec un salaire à 100%. C’est un avantage très apprécié par les salariés.

KISUPU, gamme nettoyants visages
KISUPU, gamme nettoyants visages

Natexbio : Et pour cette année, hormis ce nouveau bâtiment révolutionnaire, quelles nouveautés sur les produits ?

LVDW : Nous avons une nouvelle marque qui sort ce mois-ci, qui s’appelle « Kisupu », destinée aux adolescents et jeunes adultes, très concernés par la préservation de l’environnement, mais qui ne disposent pas ou peu d’offres spécifiques à leurs besoins.

C’est une gamme courte : quatre nettoyants pour le visage, produits phares adaptés aux peaux acnéiques, ainsi que trois dentifrices à croquer, ludiques et faciles à emporter, et des déodorants en sticks carton, très pratiques aussi pour un usage nomade. Cette marque a été co-créée avec un groupe de 100 jeunes via Instagram, une toute nouvelle expérience pour nous.

Natexbio : Vous serez certainement présents au salon Natexpo en septembre à Lyon, qu’en attendez-vous ?

LVDW : Oui bien sûr, nous sommes là sur toutes les éditions de Natexpo depuis 2015, c’est le lieu de rendez-vous quasiment obligatoire pour nous, pour croiser nos copains entrepreneurs, les distributeurs et fournisseurs potentiels, et c’est surtout un bon salon pour nous du point de vue Européen, avec des distributeurs qui viennent nous voir notamment d’Allemagne, du Royaume-Uni, d’Italie ou encore d’Espagne.

Natexbio : Et le mot de la fin ?

LVDW : Je voudrais préciser que les portes de notre éco-lieu sont grand ouvertes à des événements d’entreprises qui souhaitent réfléchir à leur stratégie ou avenir dans un « autre endroit ». Nous accueillons par exemple l’Assemblée Générale de Réseau Vrac, ou des visites pour Cosmébio à l’occasion de leurs 20 ans. Et nous organiserons des portes ouvertes « officielles » pour inaugurer notre bâtiment dès la fin des travaux, d’ici quelques semaines. Nous souhaitons vraiment animer cet endroit, en faire un lieu d’accueil ; notre rooftop par exemple sera disponible gratuitement pour des cours de yoga, dès la rentrée prochaine.  

Propos recueillis par Christophe Beaubaton

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