Le commerce bio à l'heure du digital

24 février 2016

Le commerce sera connecté ou ne sera pas ! La digitalisation de l’acte d’achat, c’est bien sûr pouvoir commander en ligne, mais dorénavant en tout temps et en tout lieu, y compris à terme de l’alimentaire frais, en décidant du mode de livraison. Mais c’est d’abord et surtout une culture portée par les générations montantes de nouveaux consom’acteurs. Cette 1e » partie fait le bilan des initiatives montantes du secteur bio en ce domaine.

L’achat sur Internet a le vent en poupe ! 46% des Français déclarent pour 2014 et 2015 avoir effectué un achat alimentaire en ligne. Les ventes en ligne représentent 9% du commerce de détail (6% inclus l’alimentaire), avec une croissance d’au moins 11 % entre 2014 et 2013. Du côté du secteur bio, en 2014, plus de 12% des produits biologiques sont déjà désormais vendus par Internet. Les marques et distributeurs bio spécialisés, qui, dans l’ensemble n’ont pas totalement pris la mesure de l’ampleur du phénomène, doivent investir intensément dès aujourd’hui cette étape cruciale du commerce qu’est la vente digitale, Comment ? En proposant à minima la vente en ligne de produits non alimentaires et alimentaires dans une stratégie omnicanale (coordonner entre eux tous les canaux de vente site, magasin, VPC, tablette, smartphone, montre connectée etc.), qui permet de commander à tout moment et en tous lieux un choix de produits supérieur à un magasin, tout en pouvant choisir le mode et le lieu de livraison (retrait en magasin (Click and collect), point relais, livraison à domicile…).

Les initiatives digitales actuelles du bio

• Les « pure players » (distributeurs œuvrant uniquement sur Internet) : apparus pour les plus anciens depuis une dizaine d’année, ils proposent tout ce qui peut s’imaginer en « bio » ou naturel, de l’alimentation (hors produits frais), au prêt-à-porter, en passant par les jouets. Si leur influence est encore minoritaire en terme de part de marché, les choses évoluent très vite. Greenweez, fondé en 2008, est le leader actuel du marché des aliments et biens de consommation bio en ligne, avec plus de 30 000 références, 900 marques, et un CA de 20 millions d’euros en 2015. Ce e-marchand, qui ambitionne de devenir le Amazon du bio est aussi présent en Europe avec des versions en allemand, anglais, espagnol et italien. Citons aussi, parmi les principaux e-commerçants généralistes, Webécologie ou Le Monde du Bio.

Les marchés spécialisés sont quand à eux en plein essor, comme par exemple, Il était une Noix, qui oeuvre dans l’alimentaire vrac, ou encore KosmosParis dédié aux cosmétiques, l’hygiène, et le bien-être. Une tendance forte pour les « pure players » est de brouiller les frontières entre marques physiques et virtuelles en créant de véritables boutiques physiques : par exemple, Mademoiselle Bio (cosmétiques), née en 2006, poursuit depuis 2009 une extension progressive de ses magasins-instituts de beauté à Paris, au nombre de huit en 2015. Greenweez inaugure quand à lui son premier point de vente en dur pour 2016, dans le but de distribuer des produits frais à ses clients, un nouvel enjeu stratégique du e-commerce alimentaire, développé plus loin.

amazon fresh ok

• Les magasins bio spécialisés : l’engagement des grandes enseignes du bio dans le e-commerce est récent et encore plutôt timide, en égard à la réactivité bien plus grande de la grande distribution confrontée aux mêmes défis, des « pure players » cités plus haut, ou même de certains magasins bio indépendants. Elles ne sont pourtant pas dénuées d’atouts sérieux, dont un tissu serré de magasins physiques performants qui facilite la mise en place d’une livraison « click and collect », et la livraison à domicile de produits frais, point faible des « pure players ».

« La livraison à domicile de produits alimentaires frais commandés en ligne est le nouvel enjeu stratégique majeur des 10 ans à venir »

Biocoop propose sa e-boutique, réservée pour l’instant aux 6 magasins Biocoop Toutelabio installés en Ile-de-France et sur Paris. Leur offre « Toutelabio Express » comprend aussi des fruits et légumes et des produits frais, un service de « Click and collect » et la livraison payante à domicile. La livraison postale est possible en France métropolitaine et dans certains pays européens, mais seulement pour les produits dits secs.

La Vie claire initie depuis septembre 2014, « Cliquez bio », un service plutôt abouti de « Click and collect » généralisé à l’ensemble de ses boutiques. En commandant 48 heures à l’avance, les clients internautes peuvent ensuite retirer leur course en magasin. L’offre alimentaire comprend aussi des produits frais. La livraison à domicile n’est pas proposée, hormis pour certains magasins.

Naturalia, précurseur dans le domaine avec une e-boutique créée il y a dix ans, offre quand à lui la livraison à domicile. Aucun produit frais n’est actuellement proposé.

L’Eau vive a mené en début 2015 un test de « Click & Collect » dans deux magasins près de Grenoble et compte étendre rapidement le concept chez ses 37 points de vente.

• Les e-boutiques ou magasins de marques : La vente directe tente de plus en plus de grandes marques conventionnelles, longtemps dépendantes des réseaux de distribution, avec l’ouverture de leur propre e-boutique (L’oréal, Cassegrain, Bonduelle, Nestlé, Evian, Maille), ou de points de vente physiques (Apple, Nike, Nespresso, Li ndt, Maille…). Les marques bio les plus dynamiques suivent la tendance : citons Léa Nature pour l’ouverture en 2015 de sa première boutique physique et, pour la création de e-boutiques : Jean Hervé, les huiles Vigean, Dietaroma, Ballot-Flurin, etc. Là aussi, cette évolution de fond contribuera, avec les « pure players », à revisiter à terme la carte des distributeurs actuels.

Les grandes tendances du commerce digital

• Proposer la livraison à domicile de produits alimentaires frais après une commande passée sur Internet ou sur place : nommée aussi « bataille du dernier kilomètre », cette tendance majeure est en train de devenir un enjeu logistique stratégique crucial qui impacte toute la distribution internationale. Aux États-Unis, en avance en ce domaine, les leaders précurseurs actuels, nés sur Internet, sont Amazon, avec son service Amazon Fresh, créé en 2007, Google avec son service de livraison maison, Google Express, la start-up lnstacart née en 2012 mais aussi Peapod, Fresh Direct… Les géants américains de la distribution conventionnelle s’y mettent aussi comme le site Walmart to Go de Walmart.

Conscient de l’urgence, Whole Foods Market, le leader américain de la distribution de produits naturels et biologiques perçoit désormais ces nouveaux acteurs Internet comme de nouveaux concurrents d’envergure, d’autant plus que la livraison à domicile est devenue très prisée des nouvelles générations Y (20-35 ans), aux nouveaux comportements en rupture avec sa clientèle habituelle de consommateurs (cf. Bio Linéaires n°60 à 62).

La bio française et européenne devrait investir rapidement et à grande échelle cette évolution incontournable, qui est ici aussi une menace stratégique pour les magasins bio spécialisés : livrer directement chez le consommateur permet en effet aux « Pure players », à des marques, ou à de jeunes concurrents physiques de remettre en cause le leadership des points de vente alimentaires physiques, en évitant la possibilité de se rendre dans un point de vente et en rendant les courses plus pratiques.

Notons que la livraison à domicile, loin d’être uniquement un acte de confort contribue aussi à un commerce de proximité sans voiture à condition de veiller à un aspect écologique renforcé s’inspirant des tendances en cours : livraison par voiture électrique, vélo-cargo, ou « runner » (personne livrant à pied), drives mutualisés, casiers de livraison 24h/24 heures, relais colis, livraison entre voisins ou par les clients bénévoles ou rémunérés du magasin, etc. Voyons maintenant les initiatives actuelles du marché bio les plus intéressantes :

– Les « pure players » et l’alimentaire frais livré à domicile : si, nous l’avons vu, le frais n’est pas la panacée en matière de-commerce bio, des initiatives émergent comme par exemple Natoora qui offre 1200 références biologiques préparées dans les ateliers de Rungis et livrés en 36h en France métropolitaine, et en 24h en Ile-de-France. En frais, Natoora livre aussi bien des fruits et légumes, que de la boucherie ou de la poissonnerie. Quand à Paysans.fr, ce spécialiste de la vente en ligne de produits agroalimentaires frais (dont du bio), issus du Sud-Ouest lance expresspaysans.fr, qui livre tous les foyers de l’hexagone en moins de 24 h. Ce e-distributeur vient de revoir en profondeur sa logistique afin de contrer l’arrivée prochaine, selon son fondateur, de Amazon sur le marché des produits alimentaires de qualité. Rappelons que la mise en place d’un site e-commerce avec des modalités de livraison variées («click and collect», livraison à domicile, point relais, etc.), n’est pas l’apanage des chaînes spécialisées, et peut aussi être possible pour un petit réseau ou un magasin indépendant. Citons, quelques exemples actuels :

BIODRIVE

Biodrive dirigé par Raphaël Faucheur – Crédit Photo La voix du Nord

– Les valets de Park Slope Food Coop de Brooklyn : le doyen américain des magasin coopératifs, géré par ses clients-membres et l’ancêtre du magasin tiers-lieu, est aussi sans parking. Un service de livraison à domicile particulier est cependant proposé : un « valet » peut raccompagner le client chez lui ou à sa voiture. C’est l’une des nombreuses tâches proposées aux 500 membres-bénévoles qui, chaque jour, font tourner le magasin.

– Le magasin bio Harmonie-Nature à Lille offre depuis 2009 son service pionnier pour le bio, biodrive.fr qui permet d’aller chercher sur place sa e-commande en choisissant le jour et l’heure de la réception avec le tout chargé gracieusement dans le coffre.

– La P’tite Roulotte, est une épicerie bio itinérante dont la mini-taille n’empêche pas de proposer la commande sur Internet et un service de «click and collect»

– La Maison Plisson (qui à une partie de son assortiment en bio), propose à Paris dans un rayon de moins de deux kilomètres, un service de « coursiers piétons » qui livre à domicile pour 3 euros.

Par Sauveur Fernandez de l’Econovateur et avec l’aimable autorisation de Bio Linéaires. (N° 63 – Janvier / Février 2016)

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