Entretien avec Didier Perréol, président de l’Agence Bio

30 mai 2016

Pionnier de la Bio en France, Didier Perréol est président de l’Agence Bio depuis mai 2015. Il nous présente les chiffres clés de la filière Bio et nous expose les défis à relever pour ce secteur en pleine accélération.

Natexbio : L’année 2015 a été celle de tous les records pour la filière Bio avec une croissance à deux chiffres. Quelles sont les perspectives pour 2016 ?

Didier Perréol : Chaque année la progression se situe entre 8 et 10%. Fin année 2015 la croissance s’est accélérée pour arriver à +15%. Le début d’année 2016 continue sur cette même tendance entre 15 et 20% suivant le domaine d’activité ou le produit.

Natexbio : L’Etat et les régions ont sous-estimés les conversions à venir et n’ont pas prévu suffisamment de budget. Pour pallier le manque de fonds, le ministère de l’Agriculture propose que les régions plafonnent leurs aides à la conversion et au maintien de l’agriculture biologique. Que pensez-vous de cette solution ?

Didier Perréol : Les demandes de conversion ont été importantes. Les régions n’ont pas suffisamment appréhendé ce phénomène : croissance de 9% sur les fermes, mais croissance de 20% sur les superficies. Des réflexions et aménagements sont encore en cours de réflexion. Pour l’instant la proposition du ministère de l’agriculture ne convient pas au monde agricole. L’important est de continuer à encourager les conversions et de s’assurer de l’accompagnement dans la durée.

Natexbio : Certains professionnels de la filière bio craignent de voir se développer une bio à deux vitesses. Qu’en pensez-vous ?

Didier Perréol : La culture en mode biologique répond à un cahier des charges strictes avec des obligations réglementées certifiée par des organismes de contrôles. L’idéal serait de s’entendre sur des exploitations à taille humaine et ne pas dériver sur une agriculture trop industrialisée qui enlève du sens à cette démarche (respect du vivant).

Natexbio : A propos du respect de l’environnement, vous avez condamné vivement les actes de maltraitance envers les animaux au sein d’un abattoir Bio à Mauléon. Que faut-il faire concrètement pour que cela ne se reproduise plus ?

Didier Perréol : Cette situation est largement condamnable. L’esprit bio est aussi le respect de l’animal, de ses conditions de vie, son transport…et son abattage. L’ensemble des étapes de la filière doit être audité et surveillé par des contrôles (à renforcer).

Natexbio : La Bio peut-elle participer à la mutation des relations entre producteurs et distributeurs ?

Didier Perréol : OUI ! et c’est le message porté par l’Agence Bio  dont l’un des objectifs est la structuration de filières. Faire collaborer l’ensemble des acteurs : agriculteurs, transformateurs, distributeurs….et donner une visibilité au consommateur sur l’origine, la qualité, la marge prise par chacun…

Natexbio : Le 11 mars dernier l’Agence Bio était présente au Salon européen de l’éducation pour renforcer la sensibilisation de la communauté éducative, des élèves et des parents d’élèves à l’agriculture biologique. Pensez-vous comme l’a dit récemment le chef étoilé Marc Veyrat que «  l’alimentation devrait être enseignée à l’école comme l’instruction civique » ?

Didier Perréol : OUI ! Je partage à 100% ce message. L’éducation à l’alimentation doit se faire dès le plus jeune âge avec des approches complémentaires sur des thèmes comme le gaspillage, l’environnement, la biodiversité, etc. Des jardins bio devraient pousser dans chaque école afin d’inculquer aux enfants le goût et le respect de la terre et de mettre en relation la graine à l’assiette…

Natexbio : La sensibilisation des plus jeunes à la bio passe aussi par les cantines scolaires. Certaines collectivités, comme celle de Saint-Étienne, font preuve d’exemple en proposant aux écoliers des repas 100% bio. A ce jour quelle est la part des produits bio dans les lieux de restauration gérés par les établissements scolaires ?

Didier Perréol : Très difficile de répondre à cette question, car l’introduction du bio dans les écoles dépend de la volonté de chaque commune. Certaines sont exemplaires, d’autres s’engagent comme Toulouse, Le Maire de Paris (qui a fixé un cap : 25% d’ici 5 ans).

L’Agence Bio œuvre dans ce sens : la 9ème rencontre nationale professionnel Printemps Bio qui a lieu le 7 juin prochain a pour thème de travail : L’agriculture biologique à l’école: quelle place dans l’enseignement et la formation.

Des initiatives sont soutenues et menées notamment par l’association UN PLUS BIO avec son manifeste : les cantines se rebellent.

Natexbio : Parmi  les objectifs que vous vous êtes fixé au sein de l’Agence Bio figure le développement du Fonds « Avenir bio ». Pouvez-vous nous présenter le rôle de ce fonds, son budget et les projets qui ont été soutenus ?

Didier Perréol : Le budget de ce fonds est de 4 millions d’euros. L’objectif est de soutenir des projets et des actions de développement de filières, de donner une visibilité aux acteurs sur du long terme. Les actions menées jusqu’à présent ont permis de financer des programmes autour des filières céréales, fruits et légumes, riz, élevage…

Natexbio : Le 13 novembre prochain vous organisez la 3e édition du Forum Avenir Bio. Pouvez-vous nous présenter cet évènement ?

Didier Perréol : Journée d’échanges et de rencontres. L’idée étant de réunir l’ensemble de la profession pour se projeter sur la bio de 2022 avec des objectifs de chiffres d’affaires de 10 milliards pour une surface agricole en bio de 10%. Quelle bio pour demain ? et Comment y parvenir ? Réflexion autour des initiatives, des emplois, des aides, etc.

Natexbio : L’autre temps fort de l’année c’est celui du Printemps BIO que vous organisez dans toute la France pendant la première quinzaine de juin. Pouvez-vous nous en présenter le programme?

Didier Perréol : Des centaines d’événements sont au programme du Printemps Bio à l’initiative de chacun. Il peut s’agir de portes ouvertes, de rencontres, d’événements à destination de professionnels, d’animations, de dégustations et de mise en avant de produits bio dans les points de vente, de conférences et d’expositions, de repas bio en restauration collective et commerciale, d’ateliers culinaires, d’animations dans les écoles, etc.

Au 24 mai, ce sont 443 animations qui sont répertoriées sur le site www.labiodes4saisons, ou à retrouver sur l’appli de l’Agence Bio : « La Bio en Poche ».

Natexbio : L’Allemagne reste le premier pays consommateur de produits bio de l’Union européenne. Comment se situe la France par rapport autres pays de l’UE ? La croissance du secteur Bio est-elle homogène  dans toute l’Europe ?

Didier Perréol : L’Allemagne reste le 1er consommateur de produits bio avec une croissance de 8%. Elle progresse moins vite que la France (en terme de surface agricole) qui devrait rejoindre le rang 2 dans les pays européens. La croissance au sein des pays européen est plutôt homogène (entre 8 et 10 %). Un seul pays se démarque : la Suède : +30%.

Natexbio : Une  consommation 100 % bio est-elle possible selon vous ?

Didier Perréol : OUI ! et FORTEMENT RECOMMANDEE !

Les produits bio sont présents dans tous les circuits ; il y a eu en 2015 un développement important du circuit spécialisé et des ventes directes ; de nombreux magasins bio ouvrent chaque année (environ une centaine).

On retrouve en bio l’ensemble des besoins alimentaires : de la viande, légumes, céréales, etc…aux vins et champagne bio avec de belles appellations et des produits de très grande qualité !

Propos recueillis par Natexbio

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