Entretien avec Isabelle Susini, directrice France de 1% For the Planet

27 octobre 2016

Passionnée de protection de l’environnement, Isabelle Susini a travaillé plusieurs années au sein de Patagonia avant de prendre la tête de 1% For the Planet France : un réseau d’entreprises qui s’engagent à reverser 1% de leur chiffre d’affaires annuel à des organisations de protection de l’environnement.

Natexbio : A quand remonte votre conscience environnementale ?

Isabelle Susini: Ma prise de conscience de l’existence de problèmes environnementaux et de la nécessité d’agir s’est faite par étapes : la première étant un tour du monde que j’ai eu la chance d’effectuer juste après mes études de commerce. C’est à ce moment, au bout du monde, en découvrant à la fois les merveilles de la nature et sa fragilité, que j’ai décidé – et pris note dans un carnet, comme une promesse – de travailler pour la protection de l’environnement.

Ensuite, cadre marketing à 23 ans pour une grande entreprise française de l’alimentaire, j’ai retrouvé ces notes. J’ai alors quitté mes fonctions pour reprendre mes études et suivre un cursus (équivalent d’un master 2) en Génie et Gestion de l’Environnement à Paris 7. C’est probablement l’une des meilleures décisions que j’ai prise, car cela a été déterminant pour travailler dans le secteur de la protection de l’environnement.

Natexbio : Avant de rejoindre 1% For the Planet, vous aviez déjà travaillé pour la protection de l’environnement. Pouvez-vous nous présenter votre parcours professionnel ?

Isabelle Susini: Avant de rejoindre le 1% for the Planet France été 2015, j’avais passé plus de 15 ans dans le milieu des entreprises responsables : d’abord chez Yves Rocher pendant 3 ans puis chez Patagonia de manière plus significative car j’y ai passé 13 ans, en tant que responsable RSE. J’étais en charge, pour l’Europe, de la réduction de l’empreinte écologique, par exemple en mettant en place un programme de récupération, de réutilisation et de recyclage des produits de la marque, spécifique à l’Europe. Aussi, j’étais chargée de la philanthropie de Patagonia pour l’Europe, c’est-à-dire de l’attribution des 1% du chiffre d’affaires à plusieurs centaines d’associations en Europe. Cela m’a permis de rencontrer beaucoup d’associations militantes et très actives pour la protection de l’environnement. Et de voir à quel point c’est un élément moteur déterminant pour des employés que d’être impliqués dans une telle philosophie !

Natexbio : Vous êtes la directrice France de 1% For the Planet depuis 2015. Quelles sont les origines et les missions de votre organisme

Isabelle Susini: 1% for the Planet a été lancé en 2002 aux Etats-Unis par Yvon Chouinard, fondateur et propriétaire de Patagonia, et Craig Mathews, ex-propriétaire de Blue Ribbon Flies.

La mission du 1% est d’augmenter la philanthropie environnementale c’est-à-dire les sommes allouées aux projets de protection de l’environnement menés par les associations car c’est hélas le « parent pauvre » de la philanthropie ne représentant que 3% des sommes concernées par le mécénat.

Les fondateurs ont choisi le chiffre 1, facile à retenir : « 1% du chiffre d’affaires » et ont ce pragmatisme américain de s’être dit qu’en créant un label, reconnaissable, cela permettrait aux membres de se distinguer de leurs concurrents. C’est aujourd’hui le seul label certifiant un niveau de philanthropie environnemental, à ce niveau, et à l’international.

Notre mission est aussi d’augmenter l’impact de terrain des actions menées par les associations de protection de l’environnement en facilitant leur recherche de fonds. A ce titre, nous mettons en connexion les entreprises membres avec les 400 associations françaises du réseau. L’événement de mi-octobre où 45 associations du réseau sont venues pitcher devant des mécènes va dans ce sens : plus nous faciliterons la recherche de fonds des associations, plus nous leur permettons de consacrer du temps à la cause qu’elles défendent.

En termes de structure, le 1% est une association à but non lucratif américaine basée à Burlington (Vermont). En 2014, nous avons ouvert une structure en France (fonds de dotation 1% for the Planet France, basé en Haute-Savoie), la première en dehors du territoire nord-américain.

yvon-chouinard-patagonia

Yvon Chouinard et Craig Mathews, fondateurs de 1% for the Planet

Natexbio : Concrètement comment une société membre de votre organisme réalise-t-elle son don de 1% de son CA ? Peut-elle le faire à plusieurs associations ?

Isabelle Susini: Les entreprises membres versent directement leur(s) donation(s) auprès des associations agréées 1% for the Planet (400 rien qu’en France). Elles peuvent aussi suggérer l’entrée d’une association qui ne serait pas encore référencée. Elles peuvent faire une ou plusieurs donations, l’essentiel étant que cela soit au niveau de 1% du chiffre d’affaires, niveau que nous vérifions et certifions annuellement.

Natexbio : Quelles sont les associations environnementales agréées 1% For the Planet ?

Isabelle Susini: Les associations « agréées » 1% for the Planet : sont des associations dont la mission est, au moins à 50%, la protection de l’environnement. Elles sont listées sur le site 1% for the Planet et peuvent utiliser le logo 1%. Des associations de toutes tailles en font partie : la fondation Nicolas Hulot, le WWF, Surfrider Foundation Europe, Réseau Action Climat, France Nature Environnement… sont les plus importantes mais, comme pour le réseau de membres, c’est surtout un maillage de petites associations de terrain comme Générations futures, Colibris, L214…pour ne citer que les plus connues. 400 associations sont répertoriées comme récipiendaires potentiels du 1%, rien qu’en France sur 3500 dans le monde.

Natexbio : La France est le pays le plus actif après les USA. Combien d’entreprises sont membres de votre organisme en France et dans le Monde ? Quels montants collectez-vous pour les ONG ?

Isabelle Susini: 1% for the Planet compte aujourd’hui près de 1200 entreprises membres dans près de 40 pays, reversant plus de 23 millions d’euros annuellement à des associations. La France est le pays le mieux représenté après les Etats-Unis avec, à ce jour, plus de 80 entreprises membres, consacrant annuellement plus de 3 millions d’euros à la philanthropie environnementale. Je précise que nous ne sommes pas collecteurs de ce 1% : les sommes sont reversées directement par l’entreprise membre aux associations récipiendaires. Nous ne faisons que vérifier les flux et le niveau philanthropique de l’entreprise membre.

Natexbio : Parmi vos membres on compte plusieurs entreprises de la filière Bio telles que Vrai, Food4Good ou encore 2 marques du groupe Lea Nature (dont le président Charles Kloboukoff est aussi président de 1% For the Planet France). Comment se compose votre communauté d’entrepreneurs philanthropes. Sont-ils tous issus d’un secteur d’activité en lien avec l’environnement ?

Isabelle Susini: Parmi nos 80 membres, nous avons plusieurs entreprises de taille conséquente comme Caudalie (cosmétiques vendus en pharmacie), Léa Nature (avec ses marques bio dans l’alimentaire et les cosmétiques), les laitages Vrai (Groupe Triballat), la gamme d’ameublement « Envie d’Eco » de Maisons du Monde, et la gamme à base de plantes, Phytodess de Jacques Dessange. Qu’elles soient dans l’alimentaire ou d’autres secteurs d’activité, il s’avère que la plupart des entreprises membres, voulant être cohérentes, sont nettement plus « vertueuses » que la moyenne de leur industrie. En particulier, comme vous le notez, les marques de l’industrie alimentaire sont, pour la plupart, certifiées bio.

Une majorité de TPE constitue toutefois le réseau français, des entrepreneurs répartis sur tout le territoire et aux activités variées (un dentiste, un photographe, des agences web ou de conseils en Responsabilité Sociale des Entreprises…).

Leur point commun à tous : la prise de conscience que le monde des affaires est en partie responsable de la crise environnementale actuelle et la féroce volonté de contribuer au changement.

Natexbio : Quels types d’actions menez-vous pour promouvoir votre organisme ? Quels sont vos projets pour 2017 ?

Isabelle Susini: Notre ligne de mire est constamment de contribuer à résoudre les problèmes environnementaux, via un outil relativement simple qu’est la philanthropie. Nous souhaitons plus mettre en avant ce que font nos parties prenantes que ce que nous faisons nous-mêmes : en tant que réseau, nous ne sommes qu’un vecteur.

Nos actions en 2016 et à venir en 2017 ont pour objectif de créer du lien entre nos parties prenantes : entreprises membres, associations récipiendaires et partenaires média. Entre ces parties prenantes, par exemple en mettant en lien direct les porteurs de projets et les entreprises mécènes. Et dans chaque catégorie de partie prenantes, par exemple entre entreprises membres – qu’elles bénéficient de la dynamique de réseau et se côtoient, échangent leurs bonnes pratiques voire fassent des affaires ensemble. Ou entre associations, qu’elles puissent échanger également, pour mieux coordonner leurs efforts.

Au final, plus nous serons efficaces aux yeux de nos membres, toutes parties prenantes confondues, plus nous donnerons envie à d’autres de rejoindre notre communauté, pour un impact grandissant de la philanthropie environnementale.

Natexbio : Le 11 octobre dernier vous avez réuni à Paris les membres 1% for the Planet : des entrepreneurs philanthropes, des ONG agréées ainsi que vos partenaires média  autour de Nicolas Hulot, de Tristan Lecomte et de Charles Kloboukoff. Que retenez-vous de cette soirée annuelle du 1% for the Planet France ?

Isabelle Susini: Nous sentons qu’il se créée un véritable esprit communautaire. Ces entreprises membres 1% sont heureuses de se retrouver – de voir qu’elles ne sont pas seules -, de rencontrer les acteurs associatifs en direct, et de voir qu’un véritable mouvement est en marche, dont elles sont en partie responsables. Nous accueillons aussi lors de ces soirées un certain nombre d’entreprises qui ne sont pas encore membres, qui sont intéressées par le réseau et qui souhaitent en connaître l’état d’esprit.

Natexbio : Les professionnels de la protection de l’environnement sont aussi des ambassadeurs du bien-être. Quelle est la formule gagnante de votre hygiène de vie ? Avez-vous un conseil à donner à nos lecteurs ?

Isabelle Susini: Vivre en accord avec ses convictions ! En ce qui me concerne, le plus possible dehors, dans un environnement paisible, en se nourrissant de produits bio cultivés localement, voire dans son propre jardin. Participer aux décisions locales pour contribuer à faire changer le monde : si quelque chose ne fonctionne pas, chercher à savoir pourquoi et proposer des solutions. Comme l’exprime si bien Nicolas Hulot – notre invité d’honneur à notre soirée du 11 octobre – dans son interview du 18 septembre dans Le Monde : « rien n’est pire que de renoncer ». Ne jamais renoncer, agir, est, à mon sens, une hygiène motrice.

Propos recueillis par Natexbio

Classés dans :


Articles récents dans la même catégorie

+

Inscrivez vous à notre newsletter

Vous acceptez de recevoir nos derniers articles par email
Vous affirmez avoir pris connaissance de notre Politique de confidentialité.