La régénération des sols et de la terre, quelles solutions immédiates (partie 4) ?

24 novembre 2022

Pour clôturer notre dossier dédié à la Régénération des sols et de la terre, nous sommes heureux de donner la parole à Claude Aubert, co-fondateur de « Terre Vivante », conférencier et auteur de nombreux livres sur l’agriculture biologique, l’alimentation saine et les relations entre environnement et santé.

Parole à notre quatrième spécialiste

Claude Aubert, ingénieur agronome qui a contribué à l’émergence de l’agriculture biologique en France.

Une vie dédiée à l’environnement et au monde agricole

Agronome de formation, Claude Aubert fut le premier en France, dans les années 60, à s’intéresser à l’agriculture biologique, phénomène encore très récent. Sa rencontre avec Nature et Progrès qui venait d’être créée, avait éveillé chez lui un vif intérêt pour ce nouveau mode de culture. La France était un peu en retard à l’époque par rapport au Royaume-Uni, l’Allemagne et la Suisse, déjà fortement impliqués, notamment dans la biodynamie (inventée en Allemagne par Steiner en 1924).

Claude Aubert
« Les apprentis sorciers de l’azote » par Claude Aubert

Conseiller les agriculteurs et informer sur l’agriculture biologique

Il quitte son travail d’Ingénieur Agronome, dans lequel il menait des missions en Afrique depuis quelques années pour y développer de nouvelles cultures et techniques agricoles, pour s’investir complètement dans Nature et Progrès. Il apprend l’agriculture biologique à l’aide des livres de base existants, et surtout avec les quelques agriculteurs déjà convertis. Puis, il aide et conseille à son tour d’autres agriculteurs à passer en agriculture biologique. Dans le même temps, il est rédacteur en chef de la revue associative et solidaire éditée par Nature et Progrès, donne des conférences et écrit des livres sur le sujet. En 1980, il participe activement à la création de l’association Terre Vivante, et s’éloigne un peu du terrain pour s’occuper de nombreuses publications. Mais il reste en contact avec cette agriculture biologique qu’il défend notamment en animant de nombreuses conférences sur ce thème.

Régénérer la terre et les sols, comment faire ?

Simples dans le principe, les solutions sont un peu plus compliquées dans la pratique. La préoccupation unique des « inventeurs » de l’agriculture biologique avant la deuxième guerre mondiale, c’était le sol. On ne parlait alors pas de pesticides ni d’engrais chimiques car il y en avait très peu, seule la fertilité du sol importait. L’agriculture de conservation paraissait une pratique intéressante, où le sol était couvert des rotations pratiquées, etc.

« Le sol doit être nourri, avec les êtres vivants qu’il contient : vers de terre et êtres microbiologiques tout aussi importants. »

Le nourrir avec de la matière organique apportée, du fumier et une couverture végétale permanente. La biodiversité a aussi toute son importance : varier les productions différentes sur une exploitation, à l’exemple des légumineuses qui nourrissent naturellement le sol. Et le travailler le moins possible. Un élément important qu’on redécouvre aujourd’hui, même dans le conventionnel, c’est l’association de l’agriculture et de l’élevage.

« Une grande catastrophe de l’agriculture moderne, à l’origine de l’invention de l’azote de synthèse, disponible en quantités illimitées, a mené beaucoup d’agriculteurs à ne plus pratiquer d’élevage sur leurs fermes. Les sols, privés de matière organique, s’appauvrissaient, nécessitant l’emploi d’engrais azotés, et la microbiologie en subissait les conséquences.  Utiliser des engrais pour alimenter les plantes, c’est comme nourrir un être humain par perfusion. Les plantes vivent mais sont affaiblies, il faut les protéger avec des produits chimiques, et on entre dans un cercle vicieux. Le terme d’agriculture régénératrice est très à la mode aujourd’hui, et chacun y met ce qu’il veut, mais la seule solution cohérente, c’est l’agriculture biologique, qui utilise le moins d’intrants possible. »

« La vraie base du bio, ce n’est pas l’interdiction des engrais chimiques et des pesticides de synthèse, mais le sol »

« Même les plus conventionnels veulent changer, et essaient de le faire. C’est l’origine de l’agriculture de conservation. L’agriculture biologique reste la seule et bonne solution, mais d’autres modes et termes intermédiaires apparaissent, comme l’agroécologie, le label HVE ; où l’on va mettre moins de chimique et plus de biodiversité. C’est mieux que de ne rien faire du tout, mais ce n’est qu’un bout du chemin à parcourir. Le label HVE, qui vient d’être amélioré, reste à revoir car on continue d’utiliser, en moindre quantités, des engrais azotés et autres produits chimiques. C’est un mode de production transitoire intéressant pour le conventionnel car tous les agriculteurs ne pourront pas du jour au lendemain passer au bio. Ce label doit être considéré comme un système transitoire, ce qui n’est pas la conception des gens qui en font la promotion. »

Réchauffement climatique : le bio est-il mieux que le conventionnel ?

Il faut savoir par rapport à quoi : mesure-t-on l’impact sur le réchauffement climatique par hectare ou par kilo produit ? Par hectare, le bio sera bien meilleur, notamment par la non-utilisation d’engrais azotés, forts émetteurs de gaz à effet de serre via l’énergie nécessaire à leur fabrication. Par kilo produit sur la même surface, les agriculteurs conventionnels diront que la production sera multipliée par deux, donc on va émettre moins de gaz à effet de serre par kilo produit. Cela peut être vrai dans certains cas au niveau mondial, mais ne pas devenir l’unique critère.

Associer l’élevage bovin à l’agriculture

Avant l’arrivée des engrais de synthèse, on ne pouvait pas faire d’agriculture sans élevage, sauf en maraîchage où on pouvait se procurer de la matière organique chez des éleveurs. Le fumier apportait l’azote, le carbone, et autres intrants naturels. L’arrivée des engrais chimiques, peu chers, a « séparé » les grandes zones d’agriculture végétale et l’élevage, qui est devenu industriel pour continuer à répondre à la demande croissante en viande et produits laitiers. En France, élever des ruminants en prairies, qui ne seraient pas exploitées autrement pour des raisons géographiques et climatiques, permet cette complémentarité évidente entre élevage et agriculture : les animaux fertilisent les sols par leur fumier, mangent, outre de l’herbe, de la luzerne et du trèfle, qui apportent de l’azote naturel au sol. Ce n’est pas un hasard si l’animal d’élevage de base sur la planète depuis 10 000 ans est la vache.

Plus d’informations sur Terre Vivante :

Merci à Nicolas Glandon bénévole chez Conscious Planet, Walter Bouvais, cofondateur d’Open Lande, Emilie Ormen, chargée de mission chez Générations Futures et Claude Aubert pour leur participation à notre dossier « La régénération des sols et de la terre, quelles solutions immédiates ? ».

Classés dans :


Articles récents dans la même catégorie

+

Inscrivez vous à notre newsletter

Vous acceptez de recevoir nos derniers articles par email
Vous affirmez avoir pris connaissance de notre Politique de confidentialité.