Le mythe du consommateur responsable

14 janvier 2020
Sandrine Doppler

Imaginez un monde où vous et moi serions tous, sans exception, des consommateurs conscients, éthiques et responsables ; des individus pour qui la consommation serait directement en phase avec l’environnement, les espaces et les espèces vivants. Pas ou peu de déchet, de destruction et de gâchis. La vision de ce consommateur fait rêver et pourtant elle existe. De nombreux individus ont aujourd’hui une alimentation qui repose essentiellement sur les produits sains, durables, issus de l’agriculture et la production biologique. Malheureusement ils ne sont pas la norme. En effet, pour un consommateur responsable, combien de consommateurs indécis, qui veulent bien faire mais n’agissent pas ?

Aujourd’hui deux choses importent, comprendre et convaincre les indécis qui viennent ternir l’image du consommateur responsable. Tout d’abord parce qu’indécis ne signifie pas ignorant. En 2020, de manière générale je suppose que le consommateur Français a bien conscience des enjeux qui se trament et de l’importance des nouvelles pratiques alimentaires et de l’alimentation biologique. Son inaction ne trouve pas son origine dans un défaut de croyance mais plus dans une difficulté à changer ses habitudes qui peuvent s’expliquer de différentes façons que ce soit le prix du bio (un frein qui décourage le consommateur et entraîne bien souvent un déni de responsabilité) ou bien l’accès au bio (considéré parfois comme difficile et chronophage, puisqu’il suppose de passer un temps à repenser son alimentation, à s’approvisionner dans différents endroits). De manière générale, le consommateur est certes animé de bonnes intentions mais ne se donne pas forcément les moyens de glisser vers une consommation qu’il sait plus responsable – pour lui et les autres.
 
Compte tenu de l’urgence à laquelle nous faisons face, il est tentant de pointer du doigt le consommateur qui n’agit pas. Mais la culpabilité ou la punition ne sont pas des moteurs efficaces. Il n’y a pas de formule clé pour changer ce consommateur mais certaines étapes peuvent être balisées afin de lui assurer une transition progressive et efficace. Un accompagnement plus ciblé sur les goûts et les priorités du consommateur ou bien un « vrai pacte citoyen » entre les gouvernements, les filières et les indécis, voilà des idées ! Car tout le monde ne peut pas se focaliser sur tous les problèmes en même temps, la majorité des consommateurs ne sont d’ailleurs sensibles qu’à des causes isolées : l’environnement, l’impact sociétal, le bien-être animal. Pour ceux-là, je dis qu’il faut leur donner les moyens de devenir, à leur échelle, ambassadeur (ou influenceur) de ses causes. Abandonnons cette idée de transfigurer totalement le consommateur indécis – in fine, on ne peut pas tous être 100 % bio et 100 % responsables, c’est utopique et l’homme parfait n’existe pas – et trouvons des compromis afin de lui faire progressivement perdre ses mauvaises habitudes (non, on ne mange pas un avocat bio importé du Mexique tous les matins), éduquer sa vigilance par le goût (le Graal du consommateur) et lui faire comprendre que s’alimenter est plus que jamais un acte vital.

À l’exception d’une fraction de la population, l’individu citoyen n’est pas encore en phase avec l’individu consommateur. Est-ce ennuyeux ? Oui, car les mutations actuelles sont rapides et nécessitent que chacun fasse la part des choses. Est-ce trop tard ? L’horloge tourne, c’est un fait, mais il est encore temps pour le consommateur indécis de changer ce qu’il emporte dans son caddie afin d’être ce qu’il veut devenir : responsable. La balle est dans son camp.

Sandrine Doppler Experte en transition alimentaire et innovation
sandrine@sandrinedoppler.com

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