L’hôtellerie éco-responsable en France

19 mars 2015

L’hôtellerie désigne un établissement commercial qui met à la dis­position d’une clientèle itinérante des chambres meublées pour un prix journalier (1) sans plus de précision. Hôtels de toutes tailles et de toutes catégories, centres d’accueil, bateaux de croisières, cam­pings… et jusqu’aux cabanes dans les arbres sont donc concernés.

Leur point commun : l’accueil de voyageurs. Voyageur qui, cependant, évolue constamment… des premiers aristocrates du 18ème siècle, en passant par l’heureuse famille découvrant les congés payés en 1936, à l’écolo tout terrain des années 70, ou le consommateur insouciant des années 80 jusqu’à l’éco-touriste actuel en phase de questionnement.

Une charte et des labels

Suite aux désastres environnementaux et humains occasionnés par le tourisme de masse et, parallèlement à la montée en puissance des questions écologiques, la charte du tourisme durable établit depuis 1995 les bases d’un tourisme qui « doit être supportable à long terme sur le plan écologique, viable sur le plan économique et équitable sur le plan éthique et social pour les populations locales» . Quelles en sont les répercutions sur la proposition d’hé­bergement touristique ?

Appliqué à l’hôtellerie responsable, l’Ecolabel Européen retient quatre domaines d’amélioration nécessaires :

– la réduction des énergies, de l’eau et des déchets ;

– le dialogue social participatif avec les employés ;

– le choix de fournisseurs éco-responsables et en circuits courts ;

– la promotion par la communication et l’éducation en matière d’environnement.

Ces quatre points se déclinent en quatre-vingt-dix critères (2).

Mais il existe autant de labels, chartes, codes de bonne conduites… que d’associations, de régions, d’activités… de plus, rarement valorisés et mis en avant par la communication ou le site internet des structures d’hébergement.

Bien difficile pour le touriste impliqué de s’y retrouver

D’autant que la confusion entre hébergement insolite et écolo­gique, construction basse consommation sans respect des popula­tions locales, etc… est parfois entretenue. Comment différencier, alors, un écolodge responsable, d’un tipi opportuniste ? Des associations comme ATD ou VVE répertorient voyagistes et hébergements éco-responsables. Le choix de votre destination repose, en ce cas, sur la confiance accordée à l’association. Mais pas seulement….

79 % des personnes interrogées déclarent que les pratiques respectueuses de l’environnement en matière d’hébergement sont importantes (3). Pourtant, elles n’arrivent qu’en 7ème place lors du choix d’un hébergement (4)… Le vacancier laisserait-il chez lui ses idéaux éthiques ? Ou bien est-ce l’offre qui n’est pas adaptée ?

De la bonne volonté…

L’initiative est venue de structures hôtelières indépendantes, de gîtes ruraux ou d’hébergements insolites mis en place par des passionnés d’écologie. Mais il faut avouer que la France a tardé à proposer une offre large et segmentée.

…aux engagements nécessaires

Désormais, les grands groupes hôteliers affirment s’engager sur une «hospitalité durable». Cela se traduit par : Objectif 2015 : 85 % des hôtels utilisent des produits écolabellisés» et se soldent par «Fin 2013 : 95 % des hôtels de notre réseau utilisent au moins un produit écolabellisé pour les revêtements de sol, la peinture ou les produits d’entretien»… Une avancée modeste !

Même si il est plus difficile de mettre à niveau un gros groupe, composé de structures existantes et indépendantes que d’inscrire un nouvel hébergement dès sa conception dans un modèle éco-responsable… la RSE saura-t-elle se faire une place aux côtés d’objectifs financiers, eux, clairement pris en compte ? Chez Accor, une équipe de 10 personnes y travaille à plein temps. Le groupe engage ses marques Ibis et Novotel vers la certification ISO 14001. A surveiller…

Laissons donc le temps aux super structures de s’adapter et obser­vons le marché.

La gamme s’étoffe par le haut

Le groupe Mandarin Oriental ouvre à Paris en 2011 le premier palace à obtenir la certification Haute Qualité Environnementale (HQE) en France. L’un de ses cocktails, le «Honey Kingston», se compose de miel provenant de ruches installées sur son toit. Anecdotique ou prémices d’une économie circulaire ?

En haut de gamme, et toujours à Paris, le Citizen hôtel, par exemple, a été entièrement réhabilité en 2010. Sa philosophie : «Être Citoyen en ouvrant un hôtel éco-responsable, intégré à la vie du quartier du canal Saint-Martin, offrant des prestations de qualité à un prix abordable.» Bien que proposant de l’eau filtrée plutôt qu’en bouteille, exemple tiré parmi d’autres initiatives durables, le site internet ne met pas en avant ses valeurs respon­sables. Faut-il en déduire que cela n’intéresse pas le client ?

Une question de prix peut-être ?

A laquelle répond le green low coast avec Eklo hôtel, un nouveau concept «économique et écologique pour une hôtellerie solidaire et durable». A 24€ la nuit, dans un bâtiment basse consommation (BBC) alliant structures en bois et éléments en béton allégé, vous accepterez de venir avec votre propre serviette de toilette pour contribuer à «réduire le poste nettoyage du linge».

Entre les deux, le Solar hôtel, qui se définit comme le premier hô­tel écologique parisien à prix économique, affiche clairement ses ambitions. Militante la plaquette affirme que «si les 25 000 hôtels de France adoptaient les mêmes choix énergétiques que le Solar Hôtel, des centaines de milliers de kilowatts heure seraient éco­nomisés rendant ainsi inutile le fonctionnement d’un ou plusieurs réacteurs nucléaires ; en réduisant de 50% leur consommation d’eau… l’économie financière serait telle en terme de fonction­nement des stations d’épuration que le prix de l’eau pourrait baisser de façon significative pour l’ensemble de la population ; … en triant et recyclant 90 % de leurs déchets, plusieurs dizaines de milliers de tonnes seraient ainsi triées, recyclées et notre pays pourrait se passer de plusieurs usines d’incinérateurs, évitant la propagation dans l’air de centaines de tonnes de dioxines dange­reuses pour la santé». Mais ce n’est pas tout ; l’hôtel se veut aussi un lieu d’accueil pour les artistes du quartier, est partenaire de l’école de la deuxième chance en faveur des jeunes en difficulté, promeut les déplacements doux…

En dehors des villes, parcs et campings aménagent la nature

L’implantation d’un parc en milieu naturel ramène les questions d’impact environnementaux décriés dans certaines régions pré­servées et lointaines jusque sur le territoire français. Le projet du Center Parcs de Roybon en Isère sur une zone naturelle, inven­toriée zone humide et peuplée d’espèces protégées a été jugé irrecevable par la commission d’enquête publique, retoqué pour son volet loi sur l’eau. Il prévoit la construction d’un millier de cottages autour d’une bulle aquatique tropicale, maintenue à 29° toute l’année. Le parc accueillerait plus de 5 000 personnes, promettant la création de près de 700 emplois. Emplois versus zones naturelles, les zadistes (5) ont pris position et organisent une fête le 21 mars pour célébrer le printemps !!!

Sereine, avec ses 8 millions de campeurs par an, l’hôtellerie de plein air reste l’hébergement touristique marchand le plus usité en France. Le modèle des années 80 avec tentes et cara­vanes à tout touche laisse place à des unités plus modestes (6), mieux intégrées et plus soucieuses de leurs impact. C’est le cas de «La fontaine du Hallate» en Morbihan, premier cam­ping certifié Green Globe au monde, avec son potager, pour la préparation des repas, des framboisiers pour le plaisir, deux sentiers de reconnaissance de la flore intégrés au camping, et bien d’autres attentions éco-responsables.

Encore plus fort ! Avec son trophée du Tourisme responsable, reçu en 2012, Echologia regroupe des salles de réception et des hébergements insolites sur un site naturel aménagé. Et préfigure ce que l’offre touristique peut apporter à un territoire. Conçu sur un ancien site industriel de production de chaux, réhabilité grâce à l’énergie de deux amis qui ont sont convaincre et fédérer les bonnes volontés, le parc offre aujourd’hui une base de loisir originale. En lien avec la vie sociale locale, classés en zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique, riches de carrières désaffectées devenues plans d’eau et piscine, les 70 hectares abandonnés sont désormais un atout majeur du territoire.

Difficile encore de mesurer l’impact de ces initiatives ré­centes. Elles placent cependant l’hôtellerie française au coeur des mutations de nos sociétés, même si nombre d’entre-elles ne l’affichent pas encore fièrement…

Et demain ?

La tendance est au glamping, (glamour et camping associés), un tourisme de plein air qui allie luxe et nature, confort et respect de l’environnement, et joue la carte de l’atypique en proposant des hébergements « alternatifs » et originaux (7).

On y retrouve des yourtes ou autres tentes rêvant d’ailleurs, des bulles transparentes offrant le ciel en panorama, des cabanes flottantes, des roulottes et tout habitat n’ayant pas encore de nom mais offrant un cocon de confort ou d’évasion posé en pleine nature.

La fin de l’hôtellerie ?

Une autre évolution est en marche, celle du collaboratif. Facilité par internet, l’échange et la location de maison entre particuliers impacteraient positivement l’économie. Selon Nicolas Ferrary, directeur d’Airbnb France, les voyageurs ayant booké une nuit via sa plate forme en ligne ont rapporté 1 milliard d’euros à la France sur une année (8) (en cumulant les ressources directes perçues par les loueurs et les 865 euros en moyenne dépensés par les utilisateurs d’Airbnb contre 439 euros pour les clients d’hôtels). Auxquels il faut ajouter le chiffre d’affaire dégagé par les autres sites comme Bedy­Casa ou TrocMaison. L’hôtellerie n’aurait pas été pénalisée par cette offre privée, voyant son chiffre d’affaire continuer à progresser. L’impact de cette concurrence reste tout de même à mesurer tant en termes économique qu’écologique.

Découvrir une destination à travers le regard de ses habi­tants

En surfant sur l’authenticité des échanges et la disparition de la valeur marchande au profit d’une hospitalité gratuite, Gree­ters (9) ou couchsurfing (10) attirent de plus en plus de voyageurs. Il faut ajouter à cela que, pour plus de 70 %, l’hébergement se fait avant tout en famille, chez des amis ou en résidence se­condaire (11). La crise aidant, cette tendance progresse et risque de représenter un manque à gagner pour l’hôtellerie classique.

Une définition à dépoussiérer

L’hôtellerie n’est donc plus seulement un établissement com­mercial qui met à la disposition d’une clientèle itinérante des chambres meublées pour un prix journalier. Elle doit aussi ré­pondre aux mutations de nos sociétés sur les questions que lui posent l’éco-responsabilité, la fonte du pouvoir d’achat d’une grande majorité de la population et la montée en puissance d’usages collaboratifs 2.0.

Par Fred Jarnot, http://fredjarnot.fr pour Natexbio

(1) Définition du Larousse

(2) Exemple : au moins 2 produits alimentaires locaux et de saison proposés à chaque repas avec interdiction de servir des espèces locales menacées. Autres critères.

(3) Enquête Tripadvistor 2013 menée auprès de 35 000 professionnels et particuliers du monde.

(4) Selon Guillaume Cromer, consultant à ID-Tourism

(5) Zadiste : personne engagée dans une ZAD, zone à défendre, terme utilisé par les opposants aux grands aménagements de type Aéroport de Notre Dame des Landes, barrage de Sivens…

(6) 35 % des campings français affichent moins de 50 emplacements 66.5 % des campings ont moins de 100 emplacements en 2014Source : www.ffcc.fr

(7/ Source : www.glamping.fr

(8/ Interview à consulter sur les échos.fr

(9) Greeters : accueil touristique gratuit basé sur la rencontre avec des habi­tants locaux disposant d’une bonne connaissance de leur lieu de vie, et prêts à partager leurs bonnes adresses.

(10) Des hôtes accueillent des voyageurs pour quelques nuits, sur leur canapé ou dans la chambre d’amis, pour le simple plaisir de la rencontre et de l’échange. Source : Routard

(11) Chiffres du Tourisme 2014

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