Ressources naturelles durables, des entreprises s'engagent

13 septembre 2015

Sécheresses, inondations, maladies… Nos matières premières végétales sont sans cesse menacées, et leur exploitation doit s’adapter pour préserver l’environnement et sécuriser l’approvisionnement. Conscientes de cet enjeu, des entreprises misent sur des productions plus écologiques et éthiques.

Certes, les ressources végétales sont renouvelables, mais elles ne sont pas illimitées : un automne trop pluvieux, et il faut s’attendre à moins de fleurs d’arnica sur les pentes des Vosges… Soumis à de nombreux aléas, qu’ils soient climatiques, environnementaux ou économiques, les végétaux sont des matières premières fragiles dont la production est par nature instable et fluctuante. Tandis que l’offre de produits naturels ne cesse de s’élargir, difficile de faire prendre conscience de cette réalité au consommateur. Si le marché économique s’inscrit dans le temps court de la demande, des envies ou des modes, la nature répond quant à elle aux contraintes du vivant et des saisons, au temps long des écosystèmes. Et ces derniers, on le sait, sont aujourd’hui soumis à rude épreuve.

Pour réduire ces risques, tout en tenant compte de l’environnement, certaines marques s’organisent pour assurer le mieux possible leurs approvisionnements. Quelles sont leurs stratégies? Quels choix ont été faits pour concilier ces impératifs dans un souci à la fois d’éthique et de logique économique ? Si ces entreprises ont toutes conscience qu’il s’agit désormais d’un enjeu stratégique, chacune emprunte des voies bien spécifiques.

Le projet Warana

Guarana ou warana ? S’il s’agit bien de la même plante, il ne faut pourtant pas confondre ces deux appellations… Warana, le premier nom donné à cette liane amazonienne par les Portugais, est l’emblème d’un partenariat vieux de plus de vingt ans entre les Indiens Sateré Mawé du Brésil et l’entreprise Guayapi. Sa fondatrice, Claudie Ravel, a souhaité travailler directement et sur la durée avec les peuples autochtones. Valoriser et respecter leurs savoirs sur les plantes est son credo. En l’occurrence, les fils du warana, comme ils se prénomment, préparent les graines issues de cueillette sauvage en procédant à une cuisson douce dans un four d’argile, et non par torréfaction, comme c’est le cas pour le guarana issu de la culture.

Satere-Mawe-Culture-Warana-Natexbio

Des enfants Sateré Mawé assistent à la préparation traditionnelles du Warana

Le projet Warana est basé sur des échanges commerciaux équitables et trans-parents. La répartition du prix d’achat prévoit par exemple un pourcentage que la communauté affecte comme elle l’entend à des investissements pour le développement de sa culture (soutien de la médecine tradition-nelle, aide à une éducation différenciée…). La préservation des éco-systèmes entre aussi en ligne de compte. Le projet Warana est ainsi certifié par le label Forest Garden Products (FGP). Aujourd’hui, les Sateré Mawé ont créé leur marque de Warana pour le marché national et fournissent également Guayapi en Muira Puama (un tonique neuromusculaire), en baume de Copaïba (un cicatrisant) et en crajiru (un baume anti-acné). Cependant, ce fort partenariat n’élimine pas tous les risques, notamment climatiques. Si en 2014, Guayapi a dû se contenter d’un faible approvisionnement, l’entreprise se prépare cette année à devoir stocker… Par ailleurs, la culture de guarana à haut rendement, destiné surtout à l’industrie des sodas dans des régions comme Bahia (Est brésilien), se développe, représentant plusieurs milliers de tonnes… Avec ses 5 à 7 tonnes de production annuelle, le projet Warana fait figure de poids plume…

Des hydrolats extra-frais

Huiles essentielles, beurres végétaux. poudre de plantes Aroma-zone a aujourd’hui en catalogue quelque 1000 matières premières végétales provenant des quatre coins du monde, mais aussi de France. Comment se développer en maintenant un approvisionnement de qualité tout en maîtrisant les prix d’achat? Pour l’entreprise, la réponse s’est vite imposée: il faut miser sur des partenariats direct avec des producteurs locaux. Aujourd’hui, sur l’ensemble des extraits végétaux commercialisés, près de 70% sont achetés sans intermédiaire. Une démarche ambitieuse sachant que chaque filière a ses contraintes ! Une démarche exigeante aussi pour les partenaires car « nous ne travaillons pas avec des contrats d’exclusivité mais nous évoluons et grandissons ensemble »; explique Anne Vausselin. directrice du développement chez Aroma-zone.

Distillateurs dans le Gard, Emmanuelle et Olivier Serivigne ont ainsi fait le premier pas: « J’ai envoyé un échantillon de nos produits en expliquant que nous travaillions à proximité du laboratoire de l’entreprise » raconte Emmanuelle en pleine distillation de verveine. »Nous avons santi leurs hydrolats bio et nous en sommes tombés amoureux. » confirme de son côté Anne Vausselin, qui poursuit: « Leur approche a aussi tout de suite fait écho à nos valeurs, respect de la nature et engagement écologique, traçabilité des produits et motivation

L’argument de la proximité fait aussi mouche: pour Aroma-zone, la fraîcheur est fondamentale pour ce type de pro-duit stabilisés par des conservateurs. Cette proximité leur permet d’envisager de travailler à flux tendu. En quelques années, la distillerie gardoise est ainsi devenue un des principaux fournisseurs d’hydrolats d’Aroma-zone, avec une gamme de vingt-deux eaux florales. « Ce partenariat nous rend plus forts, nous pouvons tabler sur un bon volume de vente, ce qui nous permet d’innover »estime Emmanuelle Servigne. La gamme d’hydrolats s’est enrichie de produits originaux, comme l’hydrolat de bambou de la région d’Anduze, ou rares, comme ce basilic à linalol de Provence, que ce soit sur proposition d’Emmanuelle et Olivier ou à la demande d’Aroma-zone. Une dynamique qui suscite des jalousies dans la région, mais aussi des vocations. De nouveaux agriculteurs valorisent désormais leur terroir avec des plantes aromatiques et sont devenus des fournisseurs de la distillerie.

Produire localement pour une meilleure qualité

Spécialisée dans les huiles essentielles et les épices de l’île de Madagascar, la société Astérale a fait le choix de s’impliquer localement. «À partir de 2007, nous avons acheté des terrains pour avoir nos propres cultures et sites de cueillette de plantes aromatiques et d’épices. Durant trois mois dans l’année. nous supervisons sur place les cultures et sites de cueillette, formons les cueilleurs à la préparation et à la conservation des plantes et effectuons nous-mêmes chaque distillation», explique Simon Lemesle, créateur de la société. Aller à la source plutôt que de passer par des grossistes est pour Astérale le moyen d’intervenir sur la qualité. L’entreprise est également engagée auprès de petits producteurs distillateurs malgaches qu’elle forme et accompagne parfois dans des investissements, tout en exigeant d’eux le respect de certains critères. Le coût de cette démarche est compensé par un gain de qualité et des relations durables. Pour aider les personnes qui travaillent avec elle, Astérale a créé l’association Mimosa, qui a construit une crèche pour cinquante enfants et une bibliothèque bientôt ouverte.

Dans les forêts d’Aquitaine, retour aux techniques traditionnelles

Pour son produit phare, le Bol d’air Jacquier, la société Holiste a besoin de térébenthine, un produit naturel issu de la distillation de la résine de pin et qu’elle s’est longtemps procurée sur les marchés mondiaux, aujourd’hui dominés par la Chine. Mais pour la PME française, cet approvisionnement devenait de plus en plus problématique. C’est pourquoi en 2010, elle lance un projet original : recréer une filière française écologique et durable en refaisant vivre une pratique disparue depuis une quarantaine d’années, le gemmage. Sous ce terme se cache une activité traditionnelle consistant à récolter la résine présente dans l’arbre. Pour cela, il faut «blesser» le tronc du pin, c’est-à-dire l’entailler, puis stimuler l’écoulement de la résine à l’aide d’un adjuvant et la récolter. Un véritable défi, car il s’agissait de renouer avec une activité traditionnelle tout en la rendant compatible avec une approche plus industrielle. «Il a fallu inventer une mécanisation adaptée, mettre au point, en collaboration avec des industriels, un nouvel activant écologique pour remplacer l’acide sulfurique utilisé (qui abîme les arbres et déséquilibre la popula-tion d’insectes), mener des expérimentations sur les profondeurs et les formes optimales des « blessures », analyser de nombreux paramètres comme la variabilité des terrains, l’âge des arbres… », explique Marie-Laure Delanef, la dirigeante d’Holiste.

Gemmage Natexbio

Ci-dessus la méthode traditionnelle du Gemmage

Le projet collaboratif a impliqué aussi bien des industriels que les propriétaires forestiers et des partenaires publics. Mais le résultat est là: aujourd’hui, l’entreprise extrait une partie croissante de sa matière première dans les forêts de l’ONF et dans les propriétés privées des Landes disposant d’arbres matures (plus de 35 ans). De plus, la démarche semble pouvoir apporter des bénéfices globaux pour la région, qu’il s’agisse du nettoyage des forêts, de la prévention des incendies ou de l’émergence de nouvelles activités saisonnières.

Par Arnaud Lerch et Isabelle Saget avec l’aimable autorisation de Plantes & Santé

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