Le sol, un milieu vivant à préserver

27 septembre 2016

L’agriculture française traverse une grave crise dont on ne voit guère d’issue. Depuis 1950, 92 % des agriculteurs français ont disparu alors que la surface moyenne des fermes a été multipliée par 10. En 1960, l’agriculture  de l’hexagone nourrissait toute la population française. Actuellement, nous avons perdu notre sécurité alimentaire et nous importons 40% de notre alimentation dont 50 % de viande, 65% de fruits et légumes et 75% des aliments pour le bétail. La France ne produit plus que des céréales et des betteraves mais ce n’est pas suffisant pour nourrir une population.

Cet échec de l’agriculture française qui n’a toujours pas été capable de se passer des subventions de l’U.E ou du gouvernement, est lié au fait que le développement agricole n’est plus le fait de l’état mais de celui des multinationales agro-alimentaires. Or celles-ci se préoccupent de leurs bénéfices, chose normale pour une industrie, mais pas de l’intérêt général qui lui est du ressort de l’état. Ce développement purement industriel de l’agriculture a rendu celle-ci de plus en plus dépendante des intrants pétroliers nécessaires pour faire les engrais, les pesticides, les machines et assurer leur consommation. Nous consommons actuellement 10 calories de pétrole pour produire 1 calorie agricole plein champ et 36 calories de pétrole pour 1 calorie de tomate ou de fraise hors-sol. Sortir de cette impasse de la pétroculture ne peut passer que par le développement d’une agriculture durable. Pour cela, il faut repartir des fondamentaux et se poser, comme première question, qu’est-ce que l’agriculture ? C’est la domestication d’un écosystème naturel dans lequel l’homme crée un équilibre agro-sylvo-pastoral, c’est-à-dire qu’il remplace la forêt par des haies et des bosquets qui délimitent les champs et gèrent l’eau ; de même il remplace les clairières broutées par les ruminants sauvages par la rotation de culture-prairie où les bêtes domestiques broutent les prairies et fournissent le fumier pour les cultures. Une fois  définie l’agriculture durable, il faut maintenant définir une nouvelle agronomie que nous appelons «  agrologie » basée sur la connaissance du sol et de ses lois afin de le gérer durablement, tout en permettant aux agriculteurs de vivre de leur travail et aux citoyens de bénéficier d’une alimentation saine. Repartir de la vie du sol qui a été totalement négligée depuis 70 ans est la seule façon de rendre à nouveau nos sols fertiles eux qui ne sont plus que fertilisés. Mais pour l’agriculteur ou le jardinier armateur, retrouver l’art de rendre le sol vivant et fertile n’est pas chose facile car le fonctionnement du sol et la vie qui l’habite sont peu enseignés dans les écoles.

Pour redonner la fertilité perdue de nos sols, il faut moderniser l’agriculture et la sortir de son carcan archaïque qui la bloque depuis 70 ans. Ce n’est pas de technique dont a besoin  l’agriculture mais de science du sol. La plupart des agriculteurs ne connaissent pas leur sol. Ils ne connaissent pas le type d’argile qu’il contient. Ils ne connaissent pas les réserves en kg/ha de ses éléments nutritifs, ni sa capacité à échanger ces éléments avec les plantes. Enfin, et surtout, ils ne connaissent pas sa dimension la plus complexe : sa vie. A qu’elle profondeur descendent les racines de leurs plantes ? Combien de vers de terre et de faune habitent leur sol ? Qu’elle est son activité biologique ? Mais le monde évolue et l’agriculture sort lentement de son archaïsme industriel car la science nous permet maintenant de mesurer l’activité biologique des sols, nous savons compter la faune, nous pouvons observer la présence des mycorhizes sur les racines.

Les outils analytiques peuvent confirmer l’efficacité d’un compost, d’un BRF (Bois raméal Fragmenter) ou de la permaculture. La science du sol est maintenant assez développée pour pouvoir remplacer l’épandage d’engrais et de pesticides par la stimulation de la vie du sol. Les nouvelles formes complexes d’agricultures : semis direct sous couverts, permaculture, agriculture biodynamique sont en train de changer de fond en comble notre relation avec la terre nourricière. Pendant que l’agriculture chimique imposait sa suprématie, des agriculteurs, des amateurs et des scientifiques travaillaient à développer l’agriculture de demain. C’est grâce à leur patient travail que l’agriculture chimique se retrouve «  has been ». Mais attention, cette stimulation de la vie du sol n’est pas une promenade du Dimanche, elle demande de l’observation, de la connaissance, de la science et de la patience.

Il faudra bien sûr que les états se préoccupent de la protection des sols. Il excite maintenant une directive sur l’air, on ne peut plus brûler m’importe quoi, il excite une directive sur l’eau, on n’a plus le droit de rejeter n’importe quoi dans les rivières, océans … or à ce jour rien sur les sols, on peut y déverser tous les produits toxiques fabriquer par l’agro-industrie.

Il est temps de retrouver et de comprendre les relations complexes et fondamentales qui relient le sol, les microbes, les plantes, les animaux et l’homme. Si l’agro-industrie bloque, chaque fois qu’elle le peut, le développement des agriculteurs de demain (biologique, biodynamique, permaculture…), elle ne peut pas arrêter le progrès ni empêcher les agriculteurs évolués ou les amateurs éclairés de développer, chacun à leur niveau, l’art de la fermentation du sol. L’agriculture de demain se fera avec la vie du sol et non contre elle.

Tribune libre de Lydia et Claude Bourguignon, fondateurs du Laboratoire d’Analyse Microbiologique des Sols (LAMS)


Articles récents dans la même catégorie

+

Inscrivez vous à notre newsletter

Vous acceptez de recevoir nos derniers articles par email
Vous affirmez avoir pris connaissance de notre Politique de confidentialité.