Artisans savonniers, la méthode à froid fait recette

19 avril 2014

De l’huile végétale, de la soude, et la magie de la saponification opère. Aujourd’hui, les savons dits naturels envahissent nos rayons, mais qu’ont-ils encore de commun avec le savons traditionnels, saponifiés à froid ? Entre tradition et innovation, enquête sur une méthode de fabrication, mise au goût du jour par des artisans passionnés.

La saponification à froid est une méthode de fabrication du savon qui se rapproche de celle de nos plus lointains aïeux. Brièvement décrite, la méthode, à la fois simple et délicate, consiste à ajouter une base (par exemple de la soude caustique) à un acide gras ( une huile végétale ou animale) pour obtenir du savon. L’huile est parfois chauffée, mais la température est généralement basse, contrairement à ce qui se pratique dans l’industrie. Du mélange de ces deux phases (huile + soude et eau) résulte la saponification, qui transforme l’huile en un savon, certes détergent, mais généreux en glycérine, un agent émollient doux avec la peau.

D’Alep à Marseille

Le meilleur exemple de savon traditionnel est celui du classique savon d’Alep, qui résultait initialement de l’ajout de soude à de l’huile d’olive, et d’une bonne dose d’huile de baies de laurier afin de « surgraisser » le savon et lui donner son caractère unique. On voit les avantages: la matière première est respectée (l’huile) et le savon souvent « surgraissé » en fin de processus avec une huile bénéfique pour la peau.

Hélas, peu de savons aujourd’hui vendus dans le commerce, qu’ils soient naturels, d’Alep ou de Marseille, sont encore le résultat de ce procédé artisanal à froid. L’industrie est passée par là ! Les savons du commerce et des marchés de Provence sont dans leur écrasante majorité produits « à chaud » et d’autre part non surgraissés.

Des copeaux de savon (appelés « bondillons » dans le jargon) sont importés d’Asie ou de pays émergents, puis sont retravaillés. Chauffés, triturés, parfumés, dénués de glycérine naturelle, d’acide gras essentiels ou des précieux phytostérols naturellement présents dans certaines huiles végétales, les ingrédients du savon moyen n’ont rien à apporter à l’épiderme. Ils nettoient bien, certes, mais ils ont tendance à dessécher la peau et mettent à mal son équilibre lipidique naturel. Bien moins coûteux que les savons saponifiés à froid, plus faciles à découper et à conserver, ils peuvent tout à fait se revendiquer « naturels » ou même se faire certifier en bio si les matières premières sont issues de l’agriculture biologique. Les labels bio ne s’intéressent en effet pas aux méthodes de saponification. Étonnant. En revanche, on trouve des savons saponifiés à froid sous label bio. Nature & Progrès en tête, même si la certification reste financièrement inaccessible à de nombreux autres, qui la mériteraient pourtant.

Savon d’élite

Dans la jungle des savons, les savons saponifiés à froid (pour la plupart surgras) représentent en tout moins de 1% du marché ! La production de ces savons particuliers est le plus souvent le fruit d’un travail d’artisan, d’où un manque criant de publicité et de canaux de distribution. Si on ajoute à cela l’essor qu’on connu les gels douches et les shampoings liquides au cours de ces cinquante dernières années, on se rend compte à quel point le savon saponifié à froid peut faire figure d’OVNI. Pourtant, chaque savon à froid est une création artisanale soignée et originale, souvent bénéfique pour la peau.

Les peaux fragiles se délectent des savons bio surgras à la farine de châtaigne fabriqués en Corse. Les aventuriers aiment le savon aux épices et au beurre de cacao. La saponification permet la personnalisation à l’extrême, un vrai plus dans la salle de bain.

Les artisans se réunissent

En 2014, être savonnier à froid n’est pas un métier très facile mais s’affiche haut et fort. Chaque artisan se démène pour faire reconnaître au plus grand nombre les qualités intrinsèques de son produit. Le discours est séduisant et martelé sur les blogs ou les réseaux sociaux: les savons à froid sont plus écologiques que les savons industriels ou les gels douche, ils conviennent pour la toilette du corps, du visage ou des cheveux, ils soignent la peau  car ils sont riches en acides gras complexes, en glycérine naturelle et en stérols végétaux.

Pour toucher plus de monde et bénéficier de quelques économies d’échelle pour la communication ou pour l’approvisionnement en matières premières, des entreprises du secteur se sont regroupées. En France, l’Association des nouveaux savonniers (ADNS) rassemble ses membres professionnels ou amateurs sur des salons, lors de rencontres entre savonniers ou avec le public. Pour mieux s’afficher, l’ADNS a développé un logo qui peut être apposé sur les savons fabriqués dans l’amour du métier. Le but ? Encourager le consommateur à choisir un savon à froid pour sa toilette et ses soins. L’ADNS est très dynamique sur les réseaux sociaux et anime un groupe privé sur Facebook qui rassemble plus de 500 membres.

Dans le même esprit, l’Association des savonniers par saponification à froid (ASSAF) se veut un lieu d’échanges et une structure de partage de savoirs pour mettre en valeur et optimiser la saponification à froid, que les adeptes appellent la « saf ».

Ce qui est frappant quand on s’intéresse aux savonniers à froid, c’est la passion qu’ils mettent dans leur métier. Un engagement durable pour la qualité semble faire l’unanimité. Chacun d’eux distille invariablement un message très positif et militant sur son travail et ses produits. La saponification à froid, technique relativement simple, séduit beaucoup d’amateurs qui s’essaient à la fabrication de leur savon maison.

Une huile végétale, de ;a soude, des coloris naturels, la panoplie du petit chimiste savonnier n’est pas si étendue. Attention cependant à bien respecter les règles de sécurité. Manier de la soude et la mélanger n’est pas sans risque ! En cas d’éclaboussure, il y a danger de brûlure ou d’accident aux yeux. Les consignes de sécurité de base imposent donc le port de lunettes de protection, de gants et de vêtements à manches longues.

Cherchez le logo

Maintenant où trouver de bons savons à froid ? Certains magasins bio ou boutiques de cosmétiques maison en proposent, mais la plupart des revendeurs sont sur internet. Lors de vos achats, soyez attentifs aux logos spécifiques à la saponification à froid. S’il n’y en a pas, la liste des ingrédients doit mentionner en premier les huiles végétales saponifiés.

Astuce, les savons à froid sont souvent un peu plus mous que les savons classiques, ils fondent plus facilement dans la main. Leur découpe est également un peu moins précise. En cas de doute, interrogez directement le vendeur ou la marque.

Par Julien Kaibeck et avec l’aimable autorisation de BioInfo

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