Entretien avec Delphine Dupont du SYNADIET

27 février 2016

Delphine Dupont est la directrice générale du SYNADIET  (Syndicat national des compléments alimentaires). A la suite de l’Assemblée Générale qui s’est tenue le 2 février dernier, elle nous présente le bilan 2015 du marché des compléments alimentaires et nous dévoile les priorités stratégiques du syndicat pour cette année.

Natexbio : Quel est votre parcours professionnel ?

Delphine Dupont: Passionnée par la santé, pharmacien de formation et titulaire d’un DESS en assurance de la qualité, durant 15 ans j’ai eu la chance d’occuper différentes fonctions à la fois techniques et managériales toujours dans un contexte résolument tourné vers l’international notamment dans le domaine des compléments alimentaires.

D’abord en charge des projets de développement de produits, de leur conception à leur mise sur le marché, j’ai pris tour à tour le rôle de Responsable des Affaires Réglementaires et de Directrice Scientifique au sein de structures industrielles. Cette expérience, acquise dans des laboratoires variés tels que Sanofi, Stallergènes, Arkopharma, Santé Naturelle/Yves Rocher et Merck Médication Familiale, me donne aujourd’hui une pratique et une compréhension des enjeux du secteur particulièrement utiles pour mettre en œuvre les objectifs définis par le Président de Synadiet, Fabrice CAHIERC et le Conseil d’Administration.

Natexbio : Les chiffres publiés dans votre dernier rapport d’activités témoignent du dynamisme  de la vente des compléments alimentaires. Quel bilan tirez-vous de l’année 2015 ?

Delphine Dupont: En 2015, le marché reste dynamique et hétérogène selon les circuits, le plus dynamique étant la pharmacie avec +6%. Par ailleurs, on observe un renforcement des promesses santé en particulier tonus, sommeil/stress et digestion.

Natexbio : Comment est structurée la distribution des compléments alimentaires en France?

Delphine Dupont: En 2015, la pharmacie reste le premier circuit d’achat pour les compléments alimentaires avec plus de 52% du chiffre d’affaires TTC en France. La VAD (Vente à Distance), la vente directe et le e-commerce représentent 19% des ventes, talonnés par les magasins spécialisés (bio-diététiques) 16% puis la parapharmacie 7% et la GMS avec 6% des ventes.

Natexbio : Le e-commerce s’est beaucoup développé dans votre secteur ces dernières années. Ne faudrait-il pas encadrer davantage la vente des compléments alimentaires sur internet ?

Delphine Dupont: Effectivement, les compléments alimentaires sont soumis à des exigences réglementaires croissantes en Europe qui ont pour objectif de renforcer la sécurité des produits mais qui ne facilitent pas toujours la bonne compréhension des produits par le consommateur. A titre d’exemple un produit à base de probiotiques doit porter uniquement la mention « ferments lactiques », aujourd’hui la réglementation restreint la communication sur les packagings dans un marché ou il y besoin d’information. Le consommateur en conséquence va chercher les informations sur internet.

Or ces contraintes ne s’appliquent qu’à l’UE, ainsi les consommateurs se rabattent parfois sur des sites internet hors Europe, qui ne respectent pas les règles auxquelles nous sommes soumis et dont le sérieux n’est pas toujours au rendez-vous.

Il serait donc intéressant de prendre en compte ce besoin d’information du consommateur avec une approche proportionnée et encadrée pour assurer la sécurité du consommateur,

Natexbio : Selon l’Afipa (Association de l’industrie pharmaceutique pour une automédication responsable) les ventes de « selfcare », médicaments non prescrits, sont en hausse de 6,4 % en 2015. Selon vous, pour quelles raisons les Français plébiscitent-ils l’automédication ?

Delphine Dupont: L’accès facilité à l’offre et à l’information via internet, permet au consommateur d’avoir un niveau de connaissances et de trouver facilement l’offre nécessaire à l’entretien de sa santé au quotidien sans forcément passer par la prescription d’un professionnel de santé.

Une des raisons de cette progression est également le déremboursement de nombreux médicaments qui, auparavant, étaient remboursés et qui, à présent, ne le sont plus. Cela laisse une nouvelle liberté dans le choix des solutions pour prendre en charge sa santé.

Par ailleurs, il y a une vraie volonté, de plus en plus marquée, d’entretenir sa forme et sa santé. Les gens ont intégré le fait qu’entre l’aliment et le médicament il existe des solutions intermédiaires efficaces pour l’entretien d’une bonne santé. Le complément alimentaire est une réponse dimensionnée pour les personnes en bonne santé qui ne souhaitent pas prendre de médicament.

Natexbio : Les compléments alimentaires sont régis par une Directive européenne. Pouvez-vous nous éclairer sur l’application de cette directive et les grandes lignes de la règlementation en France ?

Delphine Dupont: Effectivement, depuis 2002, les compléments alimentaires disposent d’un cadre réglementaire propre qui leur confère un véritable statut. La Directive 2002/46/CE du 10 juin 2002 aussi appelée « Directive Cadre des compléments alimentaires » donne une définition réglementaire des compléments alimentaires, définit les nutriments et substances à effet nutritionnel ou physiologique pouvant être utilisés dans les compléments alimentaires et donne des indications sur l’étiquetage obligatoire et sur leur mise sur le marché au sein de l’Union Européenne.

Cette Directive a été transposée en droit français quatre ans plus tard avec le Décret n°2006-352 (modifié par le Décret n°2011-329 du 25 mars 2011). Ce décret prévoit une notification obligatoire à la DGCCRF (Direction Générale de la Concurrence, Consommation et Répression des Fraudes) des compléments alimentaires préalablement à leur mise sur le marché, un étiquetage spécifique, des listes positives de plantes et d’autres substances utilisables dans les compléments alimentaires (certaines n’ont pas encore été publiées à l’heure actuelle) ainsi que les Doses Journalières Maximales pour les nutriments.

Les allégations de santé portées par les compléments alimentaires, relèvent du Règlement CE n°1924/2006 qui définit la notion d’allégation de santé et précise les modalités de demande et d’évaluation des demandes.

Enfin, pour ce qui est de leur étiquetage, le Règlement (UE) n°1169/2011 régit notamment la mise en évidence des allergènes, l’étiquetage des nanomatériaux, la taille minimale de caractères ou encore l’étiquetage du pays d’origine dans certains cas…

Natexbio : Parmi les temps forts de l’année 2015 on retiendra aussi les rendez-vous politiques avec vos autorités de tutelle. Pouvez-vous nous rappeler le rôle de ces autorités ? Sur quels chantiers avez-vous travaillé avec ces dernières?

Delphine Dupont: Notre principale autorité de tutelle est la DGCCRF (Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes) qui dépend du Ministère de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique.

Elle a pour mission de contribuer à l’efficacité économique au bénéfice des consommateurs. Cette mission se décline en trois volets : la régulation concurrentielle des marchés, la protection économique des consommateurs et la sécurité des consommateurs.

Une véritable coopération a été mise en place entre SYNADIET et la DGCCRF. Elle se décline par des échanges réguliers, en plus des réunions trimestrielles, et une concertation en matière de réglementation applicable aux professionnels (ex : arrêté plantes, huiles essentielles, télédéclaration…).

La DGCCRF porte la voix de la France lors de certaines réunions à la Commission Européenne.

Les décisions étant prises au préalable de façon quadripartite par la DGCCRF, la DGS (Direction Générale de la Santé), la DGAL (Direction Générale de l’Alimentation) et l’ANSES (Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l’Alimentation, de l’Environnement et du Travail).

En effet, parmi les missions de la DGS, figure l’amélioration de l’état de santé général de la population. Les compléments alimentaires faisant partie intégrante d’une politique générale de maintien en bonne santé, SYNADIET entretient des relations avec la DGS.

Nous entretenons donc des échanges réguliers également avec ces interlocuteurs qui touchent directement notre activité.

Natexbio : L’Assemblée Générale qui s’est tenue début février a été l’occasion pour le SYNADIET de réaffirmer ses priorités stratégiques. Quelles sont-elles ?

Delphine Dupont: Cette journée a été l’occasion pour le Conseil d’Administration de réaffirmer les priorités stratégiques de SYNADIET qui sont de :

1.Participer activement au travail en cours au niveau de la Commission Européenne pour la création d’un nouveau cadre réglementaire propre aux plantes (option 2b) dans le cadre du traitement des allégations de santé,

2.Proposer à l’EFSA (Autorité européenne de sécurité des aliments) des lignes directrices méthodologiques d’évaluation des demandes d’allégations de santé adaptées aux compléments alimentaires,

3.Travailler à la création d’une nouvelle catégorie « Produits de Santé Naturels », à l’image de ce qui existe déjà au Canada, qui permettrait au consommateur de mieux comprendre la finalité produit, tout en s’inscrivant dans un cadre de forte exigence qualité,

4.Démontrer l’intérêt scientifique et économique des compléments alimentaires dans le système de santé, dans le cadre de l’entretien de la bonne santé.

 

Natexbio : Vous travaillez actuellement à la création d’une nouvelle catégorie « Produits de Santé Naturels » à l’image ce qui se fait au Canada où ces produits sont délivrés sans ordonnance. Qu’entend-on par « Produits de Santé Naturels » ? Quel est l’intérêt d’une telle démarche ?

Delphine Dupont: Aujourd’hui le mot complément alimentaire désigne un complément de l’alimentation et se restreint aux vitamines, minéraux et autres nutriments. Or, la réalité du marché est autre puisqu’il intègre toutes les plantes et substances d’origine naturelle. Nous menons donc une réflexion pour trouver un nom plus approprié à cette catégorie de produits afin qu’elle soit mieux comprise des consommateurs, des autorités et des scientifiques.

Natexbio : Il existe une distorsion entre la perception positive des consommateurs et celle négative de certains media pas toujours tendres à l’égard des compléments alimentaires. Vous avez récemment mené des actions de valorisation telles que le dossier de presse « Tordons le cou aux idées reçues », ou encore le guide étiquetage. Pouvez-vous nous en parler ? 

Delphine Dupont: Effectivement, 80 % des consommateurs de compléments alimentaires en sont satisfaits et notre mission est d’expliquer et de faire connaitre la réalité de notre profession aux professionnels de santé et aux journalistes. Le but est en effet de leur montrer que le complément alimentaire peut être utile en toute sécurité. Cela passe par des actions de valorisation qui montrent notamment l’intérêt scientifique et économique des produits.

Natexbio : Les professionnels des produits bio, naturels et des compléments alimentaires sont aussi des ambassadeurs du bien-être. Quelle est la formule gagnante de votre hygiène de vie ? Avez-vous un conseil à donner à nos lecteurs ?

Delphine Dupont: Rester positive en toute circonstance et éviter les excès sont, pour moi, les deux fils conducteurs déterminants pour rester en forme. Par ailleurs, chaque matin je bois un jus d’orange frais pressé bio et complète cet apport par des compléments alimentaires à base de vitamines et minéraux. Je pense que la clé d’un bon équilibre, outre une alimentation variée et équilibrée, est de rester optimiste et actif.

Propos recueillis par Natexbio

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