Entretien avec Gwénaëlle LE GUILLOU directrice du Syndicat des Vignerons Bio d'Aquitaine

22 novembre 2016

Gwénaëlle LE GUILLOU est la directrice du Syndicat des Vignerons Bio d’Aquitaine Limousin Poitou-Charentes. Elle nous explique comment elle accompagne le développement de la viticulture bio sur son territoire.

Natexbio : Depuis quand travaillez-vous dans la filière bio ? Pouvez-vous nous présenter votre parcours professionnel ?

Gwénaëlle Le Guillou : Je suis juriste de formation, spécialisée en droit européen et en droit agricole. C’est en travaillant en cabinet d’avocat à Bruxelles, après avoir fait un stage de fin d’études à la Commission européenne dans l’unité agriculture biologique (déjà !), que j’ai commencé à prendre mes marques dans la filière bio. Nous étions alors dans les années 2000.

Depuis, j’ai toujours travaillé dans la bio : en tant que responsable réglementation, puis directrice du Synabio, à Paris. J’ai eu la chance d’être formée par les experts de la bio, Marianne Monod, Jean-Marc Levêque, Jean Verdier et bien d’autres, à qui je dois une bonne partie de ce que je sais aujourd’hui.

Puis ma famille et moi nous sommes installées à Bordeaux. J’en ai profité pour passer mon diplôme d’avocat, avant de retourner à mes premières amours. Juste après ma prestation de serment, j’ai rejoint le Syndicat des Vignerons Bio d’Aquitaine Limousin Poitou-Charentes, que je dirige depuis bientôt dix ans.

Natexbio : Quelles sont les missions de votre syndicat ?

Gwénaëlle Le Guillou : Notre syndicat a pour missions :

– de représenter et défendre les intérêts des vignerons Bio auprès des instances régionales, nationales et européennes liées à la viticulture et à l’Agriculture Biologique

– de contribuer au développement économique et technique de la production de vins  Bio, en accompagnant individuellement et collectivement les viticulteurs Bio

– d’assurer la promotion et développer l’image collective ainsi que la notoriété des vins et spiritueux biologiques auprès des professionnels et des particuliers

– d’initier des programmes de développement et d’expérimentation visant à améliorer la qualité des vins Bio, et y participer

Pour faire simple, nous intervenons sur l’aval de la filière vin Bio : dès les vendanges, nous proposons un accompagnement sur la vinification, puis proposons à nos adhérents un appui sur la commercialisation de leurs vins et agissons avec nos partenaires pour que la filière se développe harmonieusement.

Natexbio : Qui sont vos adhérents ?

Gwénaëlle Le Guillou : Nous comptons environ 150 vignerons présents sur l’ensemble de la Nouvelle Aquitaine. Ce qui représente une soixantaine d’AOP et d’IGP. Les profils sont très divers : des vins de France aux Grands crus classés, de la propriété familiale de mois d’un hectare aux structures de 180 hectares. Les circuits commerciaux de nos adhérents sont aussi multiples : France et Export, vente directe ou grande distribution. Nous travaillons, sans exclusive, pour tous nos adhérents, en les accompagnant dans leurs choix personnels.

Natexbio : « Vin certifié AB et contrôlé bio-dynamique », « Vin naturel »…, il existe plusieurs labels ce qui peut participer à une certaine confusion chez le consommateur. Où en sommes-nous dans règlementation du vin bio ? Ne faudrait-il pas harmoniser ces labels au niveau européen ?

Gwénaëlle Le Guillou : En ce qui concerne le vin Bio et Biodynamique, la réglementation est belle est bien existante. Depuis 1991, les vignerons Bio produisent des raisins bio, conformément à la réglementation européenne. Celle-ci a été complétée en 2012 par des règles relatives à la vinification bio. Le processus est donc total, du raisin à la bouteille.

Quant au vin biodynamique, il est non seulement Bio, mais il respecte en plus des cahiers des charges spécifiques, du type Demeter ou Biodyvin.

Pour le vin « naturel », en revanche, il est vrai que la situation est plus floue. Il n’existe ni réglementation officielle, ni cahier des charges reconnu, ni consensus autour de la définition exacte des vins dits « nature ». Rien ne garantit d’ailleurs que ces vins « nature » soient bio…

Or, certains vignerons bio utilisent peu d’intrants œnologiques, et laissent une place plus grande au processus naturel de vinification. Il serait logique que leurs efforts soient reconnus, en leur donnant la possibilité d’utiliser un terme (« naturel » ou autre), doté de règles claires. Ce n’est qu’à cette condition que le consommateur, qui est en demande par rapport à ces produits, pourra avoir confiance.

Une réflexion est en cours au sein de l’INAO pour que le terme « naturel » soit réglementé. J’espère qu’elle aboutira, et que le terme « naturel » sera réservé à des vins produits dans le respect de la nature, donc des vins bio.

Natexbio : Pour l’année 2016, le vin bio comptera 323 viticulteurs de plus dont 39 nouveaux domaines dans le Bordelais. De quels moyens disposez-vous pour accompagner à la (re)conversion à la viticulture biologique?

Gwénaëlle Le Guillou : En Nouvelle Aquitaine, nous avons la chance d’avoir des organismes dont les compétences couvrent toute la filière. Il est possible pour un vigneron de se faire conseiller techniquement à la vigne (avec les Agrobio, les Chambres d’agriculture), en vinification (avec le SVB.ALPC) jusqu’à la commercialisation (avec le SVB.ALPC et Interbio Nouvelle Aquitaine). Ces structures œuvrent à la structuration harmonieuse et pérenne de la filière vin bio en région.

Par ailleurs, les producteurs bio ou en conversion ont la chance d’avoir un soutien financier important des collectivités territoriales. La Région Nouvelle-Aquitaine a ainsi mis en place, depuis de nombreuses années, des aides qui permettent notamment aux producteurs bio de financer le conseil dont ils ont besoin.

Natexbio : Comment est répartie la production régionale de vin bio sur le territoire français ?

Gwénaëlle Le Guillou : D’après l’Agence Bio, en 2015, nous dénombrons 5 176 exploitations viticoles bio et en conversion qui se répartissent sur 70 482 ha, soit 9% du vignoble national. Près des ¾ du vignoble cultivé en bio se trouvent dans 10 départements (ex régions Languedoc Rousillon, PACA et Aquitaine). Si le sud se taille la part du lion en termes de surfaces, il convient aussi de mettre en avant la forte implantation de la bio dans des vignobles plus petits, comme l’Alsace, par exemple, où le vignoble bio représente plus de 14% des surfaces.

Natexbio : Selon l’Agence Bio, le vin bio accroît ses ventes avec une hausse de 10% sur le premier semestre 2016. Quels sont les principaux circuits de distribution du vin bio ?

Gwénaëlle Le Guillou : Effectivement, d’après l’Agence Bio, les achats de vins bio ont progressé de 17% en valeur en 2015 vs 2014. Les vins bio représentent 12% en valeur des achats de produits bio  sachant que le principal circuit est la vente directe (41% en valeur en 2015). Suivent ensuite les magasins spécialisés bio, les cavistes et la GD.

La filière Vin Bio est par ailleurs l’une des rares à exporter ses produits. Aujourd’hui, 44% des volumes français de vins biologiques sont vendus à l’export. Trois grandes zones se dégagent : l’Europe du Nord, avec l’Allemagne en tête, puis l’Amérique du Nord, et enfin l’Asie, avec le Japon notamment.

Natexbio : Un marché mondial est en train de s’ouvrir pour le vin bio français. Comment accompagnez-vous vos adhérents qui souhaitent exporter leur production à l’étranger ?

Gwénaëlle Le Guillou : Nous proposons des formations à la commercialisation qui peuvent s’axer spécifiquement sur le marché export. De plus, nous participons à des commissions exports interprofessionnelles afin d’apporter le maximum d’informations actualisées sur les marchés étrangers qui pourraient être utiles à nos adhérents. Nous organisons également des stands Bio sur les salons professionnels internationaux comme Prowein et Vinexpo.

Natexbio : Serez-vous présents au salon des vins des Vignerons Indépendants qui se tient d’octobre à novembre ?

Gwénaëlle Le Guillou : Certains de nos adhérents sont présents sur les salons organisés par les Vignerons Indépendants partout en France. Depuis quelques années, les Vignerons Indépendants ont accepté de mettre en avant la certification Bio des exposants. Pour le consommateur, il est donc aujourd’hui facile de les reconnaître.

Natexbio : Les professionnels des produits bio sont aussi des ambassadeurs du bien-être. Quelle est la formule gagnante de votre hygiène de vie ? Avez-vous un conseil à donner à nos lecteurs ?

Gwénaëlle Le Guillou : Si j’ai un seul conseil à donner, c’est de se faire plaisir ! Les vins bio présentent des qualités sanitaires et environnementales incontestables. Mais surtout, ils sont bons ! Derrière chaque bouteille de vin bio se cache la démarche personnelle d’un vigneron, amoureux de son terroir. L’offre est vaste, le voyage auquel vous invitent les producteurs est forcément passionnant. A consommer avec modération, bien sûr !

Propos recueillis par Natexbio

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