Entretien avec Luc Ronfard de Lou Bio

22 novembre 2014

Luc Ronfard est le Président fondateur de Lou Bio, une biscuiterie familiale 100% Bio installée à Manosque (Alpes-de-Haute-Provence) et Président d’AVAL Bio PACA, une association qui fédère les transformateurs bio en PACA.  Luc Ronfard nous raconte l’histoire de Lou Bio et comment il a engagé son entreprise dans une politique «durable» en direction de ses partenaires, fournisseurs, clients, salariés et au-delà auprès de son environnement.

Natexbio : Ingénieur de formation, vous travaillez depuis plus de vingt ans dans le secteur de l’agroalimentaire biologique. Pouvez-vous nous présenter votre parcours et les raisons qui vous ont amené à travailler dans la Bio ?

Luc Ronfard: J’ai travaillé durant 8 ans dans le conseil en entreprise dans les années 80, puis en 1989, j’ai pris la direction de la CEPAD (PROSAIN). A l’époque cette entreprise m’a séduite par son approche « gastronomique ». J’y ai découvert des produits exceptionnels et un milieu fantastique : le monde de la bio. En 1998, j’ai travaillé chez CELNAT où j’ai appris la bio « santé » puis j’ai décidé de monter ma propre entreprise en 2004. Durant toute ces années, j’ai été très actifs dans les milieux professionnels : Président de Bioconvergence ancêtre du Synabio en 1995 et aujourd’hui Président d’Aval Bio PACA, notre syndicat régional. J’aime beaucoup ce secteur, les valeurs qu’il véhicule et j’y ai des tas d’amis.

Natexbio : Il y a une dizaine d’années vous décidez avec votre épouse de vous installer dans les Alpes-de-Haute-Provence pour créer votre entreprise de produits bio. Pourquoi une biscuiterie Bio ? Quels ont été les facteurs clés de succès de votre entreprise ?

Luc Ronfard: Ne voulant pas dilapider mes économies, j’ai recherché un secteur qui répondait à 2 critères : investissement limité et possibilité de créativité. Nous avons donc créé une biscuiterie avec mon épouse en rachetant du matériel d’occasion dont une rotative de 1936 qui fonctionne toujours ! C’est ce que j’appelle le matériel durable au premier sens du terme. Nous avons alors bâti notre stratégie sur 3 piliers :

1. Etre au cœur de la bio : 100 % de nos fabrications, usine BBC, traçabilité complète de nos produits, autonomie énergétique (en 2015), actions de mécénat, intéressement des salariés aux résultats etc.

2. S’associer : cela fait partie de la génétique de l’entreprise, nous avons multiplié les associations (La Finestra sul Cielo France, Famille bio) et accords de collaboration (Prémibio), ceci nous a coûté un peu d’autonomie mais nous à permis d’aller très vite. En 8 ans nous sommes passés de 0 à 6 millions d’€ de chiffre d’affaires.

3. Innover : Tous les ans l’entreprise sort une trentaine de nouveaux produits et au moins 5 produits n’existant pas sur le marché. Nous avons ainsi sorti les premiers laits bébé sans lactosérum ou à base de lait de chèvre, les sucettes à congeler ou encore les biscuits sans graisse de palme dés 2008. Parfois l’innovation est au niveau du packaging comme la gamme boudoir qui comprend un conditionnement durable (boite en fer réutilisable)  et un système de recharge.

PHOTO USINE LOU BIO - NATEXBIO

Usine Lou Bio à Manosque

Natexbio : L’obtention du label AB signifie maîtriser la traçabilité de la matière première. Comment faites-vous pour vous assurer de l’origine biologique des céréales que vous transformez ? …

Luc Ronfard: Dans un biscuit plus de la moitié du poids est de la farine. Nous avons développé un circuit court autour de notre usine : 2 agriculteurs de notre département ont été choisis et livrent chez notre meunier Pichard qui stocke leurs céréales dans un silo qui nous est réservé et à partir duquel il nous fabrique la farine. Toutes ces opérations sont réalisées dans un rayon de moins de 60 km. Pour les autres matières premières le choix du fournisseur est dicté par le fait qu’il est régional et qu’il réalise 100 % de son activité en bio.

Natexbio : Aujourd’hui Lou Bio réalise l’essentiel de son chiffre d’affaires à travers les réseaux de distributions spécialisés bio. Vous ne souhaitez pas commercialiser vos produits dans la grande distribution. Pour quelles raisons ?

Luc Ronfard: Je n’ai rien contre la grande distribution, mais je considère d’une part que notre entreprise n’a pas la taille pour y accéder durablement et que d’autre part le système mis en place (un océan de conventionnel pour une goutte de bio) n’est pas « sincère ». De plus, ce sont quand même les réseaux spécialisés qui sont à l’origine de notre développement, il ne faut pas l’oublier…Aujourd’hui, nous avons d’autres relais de croissance (internet et export) bien mieux sécurisés et sans doute plus valorisant sur le long terme

Natexbio : Vos produits sont-ils commercialisés à l’étranger ?

Luc Ronfard: Nous commençons à nous y développer et nous sommes aujourd’hui en Belgique, Italie, Espagne, Suisse, Hongrie, Hong Kong. Nous développons toujours la même philosophie : trouver le partenaire 100 % bio bien introduit dans son milieu. Pour nous l’export représente la croissance de demain.

Natexbio : Le secteur de la Bio est particulièrement dynamique notamment dans la recherche et l’innovation. Vous dites vous-même qu’ « il faut toujours être innovant pour survivre ». Quelle part de votre CA consacrez-vous à la R&D ? 

Luc Ronfard: Dans le secteur de l’alimentation infantile, Nous avons un chercheur avec qui nous sommes associés et à qui nous dédions 5% de notre chiffre d’affaires. Pour les biscuits, je m’occupe des innovations. J’ai l’obsession permanente de faire « différent » et ça marche…Aujourd’hui avec internet, il est plus facile d’aller piocher des idées puis de les adapter au contexte industriel. Parfois on tâtonne mais il est rare que l’on n’aboutisse pas à nos fins.

C’est comme cela que j’ai créé le biscuit à la grenadine. On imagine qu’il n’y a personne qui y a pensé. Détrompez vous il y a foultitude de recette à base de grenadine sur le Web…

Natexbio : Vous êtes Président du syndicat AVAL-BIO PACA qui regroupe les entreprises de transformation des produits biologiques de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Quelle est la vocation de ce syndicat ? Quelles actions y menez-vous ?

Luc Ronfard: Lorsque je suis arrivé en Provence, j’ai été étonné de voir qu’aucune structure fédérant les opérateurs n’existait. Avec quelques amis, on a donc monté Aval Bio PACA qui a fonctionné comme un club qui se réunissait une à 2 fois par an. Aujourd’hui nous venons d’embaucher un permanent et les choses vont changer. Notre stratégie a 3 volets :

1. Développement des produits de nos adhérents dans les cantines scolaires de la région,

2. Mise en place de filières locales,

3. Développement d’une approche RSE propre à nos adhérents.

De 30 adhérents aujourd’hui, nous envisageons d’atteindre 50 le + vite possible.

Natexbio : Lors des Rencontres de Natexbio du 6 octobre à Marseille, vous êtes intervenu sur le thème du développement durable en évoquant les vertus de l’entreprise holistique illustrées de votre propre expérience. Comment se traduit concrètement votre engagement dans le management holistique et humaniste, et dans le développement durable ?

Luc Ronfard: Effectivement, je pense qu’il s’agit d’une approche globale un peu difficile à résumer en quelques lignes… Elle repose sur des principes simples basés sur le respect:

Respecter les hommes : Le problème est souvent mal posé. On estime que les couts de main d’œuvre doivent être réduits à leur minimum. Je pense qu’il faut changer notre logiciel. Qu’importe qu’un salarié soit payé 20 % plus cher si sa motivation est décuplée… C’est la raison pour laquelle nous associons notre personnel au résultat à travers des primes et un intéressement annuel assorti  au développement local d’un abondement de l’entreprise. Il est vrai que ceci est plus facile dans une petite entreprise.

Respecter l’environnement : nous en avons déjà parlé, cela consiste notamment en la construction d’une usine BBC, en la mise en place pour 2015 de l’autonomie énergétique ou sur un autre plan de création de filières courtes entièrement tracées comme c’est le cas avec nos farines.

Participer au développement local : nous avons mis en place plusieurs actions de mécénat au niveau du sport, de la culture et du social.

Natexbio : Les Rencontres de Natexbio 2014 ont été l’occasion de réfléchir ensemble à l’avenir du bio. Quelle est votre vision du futur de la bio ?

Luc Ronfard: Je pense au préalable que le marché de la bio est désormais incontournable. Devenant plus important, il commence à intéresser des groupes du conventionnel et les négociations ont tendance à se durcir. De mon point de vue, nous nous orientons vers une bio à 2 vitesses que cela plaise ou non : des structures de type familiales, très axées sur les valeurs de la bio majoritairement positionnées dans les réseaux spécialisés et des groupes issus du conventionnel développant une démarche pragmatique et financière qui se tournent en priorité vers leur marché actuel, la grande distribution.

Pour justifier les écarts de prix, il faudra que nous expliquions à nos consommateurs que nous apportons un plus en matière de garantie, de choix de nos fournisseurs, la conception de nos usines ou encore de relations avec notre personnel.

Natexbio : Les professionnels des produits bio sont aussi des ambassadeurs du bien-être. Quelle est la formule gagnante de votre hygiène de vie ? Avez-vous un conseil à donner à nos lecteurs ?

Luc Ronfard: Le fait de manger bio ne constitue pas une assurance tous risques. J’ai eu à une époque des problèmes graves de santé.

Du coup, j’ai développé des principes simples :

– Limiter les apports en protéines animales,
– Les compenser par des associations céréales légumineuses
– Manger des fruits frais biologiques
– Eviter le stress
– Faire du sport régulièrement

Ceci ne doit pas empêcher parfois des petits excès qui redonnent le moral…

Propos recueillis par Natexbio 

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