Entretien avec Thomas Canetti de Food4Good

13 mai 2015

Gastronome amateur de bons produits, amoureux de la nature, ancien bénévole du WWF France, Thomas Canetti lance Food4Good en 2008, société spécialisée dans la transformation de poissons éco-certifiés provenant d’une pêche durable ou d’un élevage durable et BIO.

Natexbio : Pouvez-vous nous présenter Food4Good  et dans quel contexte vous avez créé cette activité ?

Thomas Canetti: Depuis que je suis tout petit je suis un amoureux de la nature. J’ai eu la chance de pouvoir voyager… Observer les orangs outang à Borneo, les albatros des Galapagos ou encore nager avec les baleines à bosse, ont été des expériences extraordinaires. Je crois que la richesse inouïe de la nature doit nous inciter à faire preuve de beaucoup d’humilité et à œuvrer à la préservation de cette biodiversité. Par ailleurs j’aime déguster de bonnes choses, et j’avais aussi envie de faire (re)découvrir les saveurs du bon poisson. C’est dans cet esprit que j’ai créé Food4Good.

En 2008, de plus en plus d’amis et de proches me demandaient quel poisson ils pouvaient choisir. Ils avaient tous entendus les problèmes sur le thon rouge et d’autres espèces, et avaient envie de faire attention à ce qu’ils achetaient. Mais ils n’arrivaient pas à trouver une réponse claire chez le poissonnier ou en magasin… Plus généralement, j’ai constaté que les consommateurs ont pris conscience de l’urgence de la protection des ressources marines, et sont un peu perdus face à ce problème : l’offre est encore très complexe, qui croire, que croire ?… Des ONG ont lancé des campagnes, des guides informatifs des espèces consommables mais les informations ne sont pas claires… J’ai donc décidé de créer Food4Good afin d’offrir une gamme complète, simple et claire de poissons que l’on peut consommer en gardant la conscience tranquille.

 

Natexbio : Quelles gammes de produits proposez-vous ? Dans quels réseaux de distribution vos produits sont-ils référencés ? Dans quels pays vos produits sont-ils commercialisés ?

Thomas Canetti: J’ai choisi de m’adresser aux clients et aux consommateurs les plus exigeants, c’est pourquoi Food4Good est exclusivement présente dans le circuit spécialisé bio. Ce circuit accusait également un certain retard en terme d’offre en poisson, de certification, de qualité produit, et j’ai donc souhaité redonner aux magasins bio un temps d’avance sur cette catégorie. Je suis convaincu que ce circuit doit se différencier de la grande distribution par des produits irréprochables, experts, de la plus haute qualité, que la grande distribution, justement, ne peut pas forcément se permettre de mettre en avant.

Dès le départ en mars 2011, plusieurs magasins Biocoop en région parisienne m’ont accordé leur confiance, et ils ne l’ont pas regretté. Assez vite également Naturalia a souhaité effectuer un test dans une dizaine de magasins, ce qui a ensuite permis d’ouvrir les portes des autres magasins quelques semaines plus tard. Aujourd’hui, Food4Good est distribuée dans plus de 250 magasins bio en France : La Vie Saine, Naturéo, Naturalia, Marcel & Fils, Chlorophylle, Bio & Co, L’Epicerie Verte, ainsi que plusieurs magasins Biocoop et Biomonde, et de nombreux magasins indépendants comme L’Hay Nature, Elan Nature, etc.

A l’export, Food4Good reçoit un très bel accueil en Belgique depuis 2 ans, où les mêmes problématiques se posaient. Enfin, nous poserons un premier pied aux Pays-Bas avant l’été, mais je ne peux pas encore vous en dire plus.

A aujourd’hui, Food4Good propose 14 références, toutes en surgelé :

– 5 poissons « nature » sauvages écolabellisés MSC pêche durable: Pavé de Saumon sauvage argenté d’Alaska pêché à la ligne, Dos de Cabillaud, Filet de Colin-lieu de pêche française, Portion de Merlu du Cap, Noix de St Jacques

– 5 poissons « nature » d’élévages bio : Pavé de Saumon Bio élevé en Mer d’Irlande, Filet de Bar Bio élevé en France, Filet de Daurade royale Bio élevée en France, Gambas bio entière crue, Chair cuite de Moules Bio d’Irlande

– 4 poissons panés, très généreux en poisson (70 à 72%), enrobés d’une panure Bio et fabriqués en France à partir de vrais filets : Bâtonnets 25g de Saumon Bio d’Irlande (le premier poisson pané certifié Bio) qui a été élu Meilleur Produit Bio 2015, Bâtonnets 25g de Cabillaud MSC et la Tranche 50g de Colin lieu MSC (les premiers poissons panés issus de pêche française écocertifiée), Tranche 50g de Cabillaud MSC

Lors du dernier salon Vivre Autrement à Paris, nous avons pu constater que les clients étaient vraiment très satisfaits de nos produits : beaucoup sont venus nous féliciter de la qualité de nos poissons, et nous dire que notre démarche les rassurait et leur avait donné envie de remanger du poisson. Quelle récompense pour notre petite marque !

 

Natexbio : Selon la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture) « le poisson est le plus sain des aliments ». Quelles sont ses valeurs nutritives ?

Thomas Canetti: Les différentes espèces de poisson apportent une quantité de vitamines, oligo-éléments et minéraux indispensables au bon fonctionnement de notre organisme… et en quantités importantes. Sans oublier bien sûr les fameux omega-3, apportés par les poissons gras comme le saumon (puisque ce sont des acides gras) mais pas par les poissons maigres comme le merlu.

Nous indiquons toujours sur l’emballage ce que chaque espèce apporte, mais en fait nous manquons de place car chaque espèce apporte vraiment une quantité impressionnante de nutriments en quantité significative. Il faut savoir que la réglementation impose de réserver l’appellation « source de » pour les nutriments apportés en quantité supérieure à 25% de l’apport journalier moyen, et « riche en » pour une quantité supérieure à 50%. Nous n’indiquons ces nutriments que s’ils dépassent le seuil de 25%, mais avons choisi la simplicité en évitant ces mentions que personne ne sait déchiffrer…

Pour donner quelques exemples : le saumon sauvage vous apportera omega 3 et vitamine D tandis que le saumon bio contiendra plus de vitamine E. Pour le cabillaud ce sera iode, sélénium, potassium et phosphore, enfin dans les gambas bio ce sont vitamine E et B12, zinc et cuivre qui seront les plus présents.

Ce que cela veut dire, c’est qu’il faut varier les plaisirs et varier les espèces, découvrir de nouvelles saveurs et de nouvelles façons de les préparer, profiter de la diversité de la nature.

 

Natexbio : Paradoxalement, chaque jour voit sont lot de nouvelles alarmantes sur la surpêche, les stocks de poissons qui s’amenuisent, les fonds marins raclés et ravagés par les filets, la pollution des océans par le mercure et les PCB (polychlorobiphényles), les saumons dopés aux hormones… Dans ce contexte comment s’organise la pêche responsable et durable ? Quelles garanties proposez-vous au consommateur ?

Thomas Canetti: En effet, il y a de nombreuses raisons de s’alarmer. Mais il y a aussi de nombreuses raisons d’être optimiste, car il existe beaucoup de très belles initiatives dans le monde de la pêche, avec des gens passionnés, amoureux de leur métier, et qui souhaitent le pratiquer dans le respect du monde marin. Il est important d’encourager ces bonnes pratiques en privilégiant les produits qui en sont issus. C’est pourquoi 100% de nos produits sont porteurs du label BIO ou du label MSC de la pêche durable.

En ce qui concerne les contaminants, c’est un sujet complexe sur lequel on entend beaucoup d’âneries… Quand j’entends les journalistes répéter qu’il faut privilégier les petits poissons car ils contiennent moins de mercure, cela m’attriste. En effet les sardines, anchois et autres harengs sont des poissons gras, et s’ils contiennent en effet moins de mercure, ils ont une probabilité supérieure de contenir d’autres substances comme les PCB qui s’accumulent dans les graisses…

Quant au mercure, il est vrai qu’on le retrouve dans quasiment tous les poissons, à des quantités vraiment très faibles. Mais le mercure est un élément naturel, et comme la nature est bien faite, il existe un « antidote » naturel au mercure, c’est le sélénium. Ainsi plusieurs études de toxicologie, notamment canadiennes, ont montré que le sélénium annihile les effets toxiques du mercure, et il faut savoir qu’il y a toujours plus de molécules de sélénium que de molécules de mercure dans le poisson (sauf dans la baleine mais ce n’est pas un poisson et on n’en mange pas). Pour les autres métaux lourds, on ne retrouve quasiment jamais de plomb et de cadmium dans les poissons, mais plutôt dans les crustacés (par exemple crevettes ou crabes) ou les mollusques (moules, huitres). Or là encore ces éléments naturels ont leur antidote naturel : le zinc agit contre le plomb, et le cuivre contre le cadmium.

Chez Food4Good, nous sommes en quête des poissons « les plus propres ». D’abord par une sélection rigoureuse des espèces proposées : certaines ont moins de risques que d’autres d’accumuler ces fameux contaminants dans leurs chairs :

– soit parce qu’elles ne sont pas en bout de chaîne alimentaire (« haut niveau trophique » pour les experts), et donc ne mangent pas de poissons contaminés

– soit parce que leur longévité ne leur permet pas d’accumuler suffisamment de ces contaminants

– soit parce que ce sont des poissons maigres, quand certaines toxines se fixent prioritairement dans les lipides, donc dans les poissons gras.

Ensuite, par une sélection des zones de pêche ou d’élevage, puisque nous savons exactement où sont pêchés nos poissons. Vous pouvez trouver du cabillaud certifié MSC en mer Baltique, mais nous refusons tout produit issu de la Baltique, et notre cabillaud MSC vient donc du Nord de la Norvège.

Et enfin par des campagnes d’analyses par des laboratoires indépendants. Notre dernière campagne montre que nos poissons ne contiennent pas de plomb ni de cadmium (en quantités tellement faibles qu’elles ne sont pas détectables), et en ce qui concerne le mercure, il est quasiment toujours présent dans la chair des poissons, mais chez nous à des niveaux très faibles, en général 20 fois inférieurs aux limites réglementaires.

 

Natexbio : Vos produits sont labellisés MSC Pêche Durable ou Agriculture biologique. Qu’est-ce que cela signifie concrètement ? Travaillez-vous exclusivement avec des pêcheries françaises ?

Thomas Canetti: Nous proposons à la fois des poissons sauvages et des poissons d’élevage. La pêche sauvage est une activité de cueillette, dont les grands enjeux sont la surpêche (ne pas trop pêcher), le respect des écosystèmes et des espèces menacées (évidemment pas de thon rouge chez nous), et la bonne gestion des quotas et de l’effort de pêche. Pour cela, nous nous appuyons sur la certification indépendante MSC, qui apporte une garantie sur la gestion de la pêche et des espèces. C’est aujourd’hui la certification la plus crédible et la plus reconnue internationalement, bien qu’elle ne soit pas parfaite évidemment.

J’ai aussi choisi de proposer des poissons d’élevage, issus d’élevages bio artisanaux, afin d’apporter une alternative bio aux élevages intensifs industriels. Ainsi le saumon, le bar et la daurade royale sont 3 espèces dont la consommation repose aujourd’hui très majoritairement sur l’élevage (près de 95% dans le cas du saumon). De plus, dans le cas du bar et de la daurade royale, la gestion des stocks sauvages ne donne pas toutes les garanties, et ces espèces ne sont pas disponibles avec le label MSC. Alors, tant qu’à manger des poissons d’élevage, autant en déguster de bons et bio. La réglementation Bio pour l’aquaculture est très proche de celle pour le poulet par exemple : une densité de poissons beaucoup plus faible, un usage de médicaments très contrôlé et limité au strict nécessaire, un respect des cycles naturels, une alimentation dont la partie végétale est Bio,…

Nous sommes une marque française basée en France, aussi nous cherchons à travailler avec le maximum d’acteurs locaux : notre colin lieu provient de la première pêcherie française écolabellisée MSC en 2010 (à Boulogne-sur-mer), le cabillaud MSC de nos bâtonnets panés est également issu d’une pêcherie française, et nos filets de Bar bio et Daurade royale Bio proviennent d’un élevage en Méditerranée au large de Cannes. Malheureusement les pêcheries françaises certifiées sont trop peu nombreuses, de même que les élevages bio. Nous avons fait le choix de privilégier les pêcheries et élevages éco-certifiés, et ceux-ci proviennent donc parfois d’ailleurs.

 

Natexbio : Votre engagement pour le développement durable s’exprime aussi à travers le soutien financier à des associations de protection de la nature. Pouvez-vous nous en parler ?

Thomas Canetti: Ce n’est pas forcément quelque chose que nous mettons naturellement en avant. J’avais envie de contribuer à la protection de la nature d’une manière complémentaire à notre activité, et me suis inspiré du « 1% pour la planète » lancé par Yvon Chouinard de Patagonia. Mais avec quelques différences. D’abord il s’agit chez Food4Good de 0.10 € par boite vendue, ce qui représente en fait un peu plus de 1% de notre chiffre d’affaires. Ensuite, j’ai sélectionné 3 associations qui œuvrent directement sur des domaines liés à la mer (la Ligue pour la Protection des Oiseaux (l’albatros !), Surfrider et le WWF France) et j’ai voulu laisser le choix à nos clients d’orienter les dons vers leur association préférée : en allant sur notre page internet, chacun peut voter pour l’association de son choix, et je répartis ensuite les versements en fonction des votes. En 4 années d’existence, Food4Good a ainsi déjà reversé près de 20 000€ !

Natexbio : Vous faites partie des jeunes pousses prometteuses de la bio. Quel(s) conseil(s) donneriez-vous à une personne qui souhaiterait entreprendre dans la bio ?

Thomas Canetti: Sans aucun doute, je crois que le plus important est d’être passionné par ce que l’on fait. C’est ce qui nous fait avancer plus vite, nous rend plus convaincant, plus intuitif, plus expert, plus persévérant aussi. Si je n’avais qu’un seul conseil à donner, ce serait donc de choisir un domaine qui nous passionne et de foncer. Les idées viendront ensuite d’elles-mêmes ! Et je crois que la bio, encore plus qu’ailleurs, est une vraie histoire de passionnés qui se battent pour un idéal.

Natexbio: Serez-vous présent au prochain salon Natexpo qui se tiendra les 18, 19 et 20 octobre 2015?

Thomas Canetti: Oui bien sûr. Nous étions déjà exposants en 2011 et 2013, ce sera donc notre 3e Natexpo. C’est un rendez-vous incontournable ! Je vous donne rendez-vous sur notre stand I79.

Natexbio : Les professionnels des produits biologiques et éco-responsables sont aussi des ambassadeurs du bien-être. Quelle est la formule gagnante de votre hygiène de vie ? Avez-vous un conseil à donner à nos lecteurs ?

Thomas Canetti: Entreprendre est une aventure passionnante… et pour les passionnés. Les 24h d’une journée ne suffisent pas, mais il est important de me ménager des moments pour me ressourcer. Pour moi, ces moments sont le week-end avec ma femme et mes 3 enfants, où j’essaie de ne pas regarder mes emails, les vacances, un peu de sport, un peu de respiration quand le rythme devient trop intense. Faire la cuisine aussi, avec de bons et de vrais produits (bio évidemment). Et enfin une escapade dans la nature sauvage, car c’est surtout là que je ressource mes batteries et que je trouve l’énergie pour me battre pour ce en quoi je crois.

Propos recueillis par Natexbio


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