Les 7 leçons cachées de l’ère Covid,qui vont marquer la bio spécialisée (suite)

29 novembre 2020

Deuxième partie : voici le cinquième constat projectif (prospective courte) sur les conséquences méconnues de la Covid-19, et qui vont impacter la bio spécialisée pour les prochaines années.

5. Nano-proximité

Proxy nouvelle vague 

L’ère Covid amplifie la demande de produits locaux, mais aussi de commerces de proximité à taille humaine, accessible sans voiture le plus près possible de chez soi, et ancrés dans la vie locale. La notion disruptive de nano-proximité (être proche à tous niveaux) va devenir un des critères clés inspirants de la nouvelle décennie.

Nouveaux emplacements

La segmentation classique « voies périphériques – centres-villes » va s’enrichir d’une nouvelle donne : les banlieues résidentielles, les zones pavillonnaires et les quartiers urbains éloignés. Le confinement entrainant des contraintes et le télétravail (en constante augmentation), le client bio prend l’habitude de gérer au plus près de chez lui ses courses alimentaires. Celle-ci perdurera au moins en partie après l’ére Covid.

Une fois les choses rentrées dans l’ordre, le client va raisonner de plus en plus en mode nano distance, avec diverses alternatives. Le point de vente principal sera d’abord… son écran d’ordinateur avec la commande en ligne, et la livraison à domicile ou drive piéton (voir ci-après) via une enseigne bio ou une ferme locale (pour les légumes).

Puis, selon ses besoins, ses déplacements, acheter du frais ou l’envie de s’aérer, il fera ses courses quotidiennes ou d’appoint à pied ou à vélo dans son magasin ou dépôt de quartier.

Ce client pourra aussi se rendre, comme avant, en voiture dans un magasin plus éloigné. Il recherchera par contre, plutôt qu’une offre étendue et un « remplissage de caddie », une sensation de proximité sous forme d’une animation générale attractive, d’un vrac multiunivers, de robots DIY (nut grinder…) et des plats et produits locaux préparés sur place dans une ambiance marché. Ces nouveaux gestes, qui le font participer, renforcent la sensation de proximité.

Voir les choses autrement

Le concept de nano-proximité va demander à la bio « d’ouvrir ses chakras » et de sortir des sentiers battus en utilisant les outils digitaux, et d’autres manières de livrer et de définir un point de vente.

Quelques exemples :

Les livraisons « porte à porte » de fruits et légumes en vente directe par des producteurs locaux vont perdurer et évoluer avec, par exemple, des fourgon-vracs urbains de recharges d’aliments et produits alimentaires et non alimentaires essentiels (savon, entretien…). Le tout en achat libre ou précommande Internet.

Côté innovation « proxy » pour alimenter une nano-zone isolée ou des habitations, des magasins éphémères sous forme de containers « ready made » et upcyclés pourraient être installés dans des zones publiques de quartier ou dans des jardins. Les enseignes et dépendants bio pourraient louer des garages ou lieux privés pour servir de lieu de réception entre producteurs locaux et consom’acteur, en s’inspirant par exemple du modèle de la Ruche qui dit oui, changeant ainsi de modèle économique.

Les casiers automatiques robotisés ont quant à eux leur raison d’être en zone isolée et pour chercher sa commande à toute heure. Leur succès restera cependant, sauf exception, limité et perçu d’abord comme un service d’appoint parmi d’autres. Ce mode de retrait souffre en effet d’un manque de contact humain, que recherche justement le nouveau consommateur bio.

Drive piéton, le trublion

Le drive piéton (version proxy urbaine sans voiture du drive classique) va devenir un concurrent sur qui compter pour la bio spécialisée, pour au moins deux raisons :

1 – Les « prix bas de l’hyper en centre-ville ».

2 – La notion « d’offre produit virtuelle augmentée » : 2 à 4 fois plus de référencement produit sont offerts sur une tablette numérique dans son salon, et rapidement disponible à quelques minutes à pied de son domicile… Ce constat très intéressant fera que, à terme une offre pléthorique de produits emballés se fera moins nécessaire en magasin.

En 4 ans seulement, 600 sites, de Lille à Nice, maillent déjà la France avec une progression exponentielle. À Paris près de 40 % des résidents ont un point de retrait à moins de 5 minutes à pied de leur domicile. Le poids des produits bio est supérieur à celui du Drive voiture (10,4 % des ventes/8,8 % en Drive « voiture » pour fin 2020).

Le drive piéton, jeune nouveau-né guidé par le terme clé de nano-proximité, est en constante évolution : des modèles hybrides apparaissent en 2020 sur de petites surfaces (-100 m2), mêlant petite alimentation de dépannage, snacking, service de retrait façon casiers

Drive piéton, menace ou opportunité pour la bio ?

La double promesse « prix bas et offre ultra-étendue à deux pas de chez moi » n’est pas à sous-estimer pour la bio spécialisée. Mais rien ne l’empêche de reprendre ces principes à son compte. Des magasins bio « locomotives » en zone périphérique peuvent – avec une logistique et des centres de préparation appropriés – alimenter des nano magasins de banlieue ou centre-ville en flux tendu, aux surfaces plus petites et moins couteuses… Une offre alimentaire physique volontairement restreinte peut être l’occasion de libérer de la place pour un petit espace de restauration « fait maison », une offre vrac…

Un service local de livraison de repas alimenté par une dark kitchen (cuisine invisible) mutualisée peut s’ajouter pour approvisionner plusieurs magasins de plats ou kits repas maisons, ou les livrer directement à domicile.

Pour soutenir cette nouvelle vision (que les GMS et des coopératives engagées aux USA sont en train de mettre en place) les magasins bio vont devoir revoir le développement des classiques centrales d’achat, et s’adapter aux nouveaux principes de la micro-logistique.

Floraison de nouveaux univers spécialisés bio

La tendance (timide) des grandes enseignes non alimentaires de bricolage, d’ameublement etc. à ouvrir de petits formats en centre-ville (comme Ikea à Paris et Nice), devrait donner des idées aux enseignes bio sur de nouveaux besoins émergents. Le temps est venu d’ouvrir des enseignes proxy non alimentaires spécialisées adaptées à la bio : animalerie naturelle, écojardinerie, herboristerie…Citons aussides petites drogueries quincailleries nouvelles génération, inspirées de nos magasins d’antan et des drogeriemârkte allemandes proposant, pêle-mêle : petit bricolage et dépannage domestique, entretien ménager, hygiène domestique, cordonnerie, affutage, petit matériel de cuisine saine, peintures écologiques, potagers de balcon, etc.

Ces nouvelles enseignes peuvent, là aussi, combiner intelligemment petite surface, offre limitée et relation humaine, avec un site internet dotée d’une offre large livrée sur place, sur le modèle des drives piétons.

Réseaux ruraux en expansion

Fait intéressant, après les métropoles et les grandes zones urbaines, la GMS investit sérieusement depuis 2019 les petits centres-villes et les campagnes, après s’être longtemps contentée d’y placer des grandes surfaces « aspirateurs » de clients.

Des zones rurales fragilisées (gilets jaunes…) côtoient des campagnes dynamiques, et toutes sont différentes. Pour ces raisons, des segmentations, formats, services, modèles de commerces et offres locale et bio variées et personnalisées apparaissent, adaptés au lieu pour recréer de véritables commerces de proximité et non de simples endroits de dépannage (Carrefour New Contact, concept la « place des saveurs » de Intermarché, etc.).

Design de magasin post-covid

  • Magasins à deux entrées ? À l’instar des magasins conventionnels, le point de vente bio va devoir s’habituer à gérer deux types de clientèles : achat sur place et achat en ligne, ces deux groupes d’utilisateurs ayant des besoins antagonistes (prendre son temps ou être livré rapidement).
  • L’art du détail anti-covid : un supermarché finlandais a créé une solution innovante. De longues poignées incurvées permettent aux clients d’ouvrir les armoires de réfrigération avec leurs bras au lieu des mains. Certaines enseignes généralisent les voies à sens unique et les poignées de porte des meubles frigorifiques qui s’ouvrent avec le pied.
Les 3 magasins indépendants de la coopérative américaine Willy Street Coop sont très impliqués avec leurs clients : aide aux consommateurs en difficulté, 2 salles communautaires multi-fonction, soutien aux producteurs, startup et artistes locaux…
  • La nano proxy, c’est aussi un relationnel et une ambiance augmentés, qui expliquent l’attraction des marchés couverts. Le client doit pouvoir se sentir chez lui, être reconnu comme individu, trouver de quoi s’informer sur son quartier (petites annonces…) être invité à coopérer (avis de lecteurs sur un nouveau livre). Bref, à se sentir comme chez lui avec, pour les plus grands magasins, du coaching, des salles communautaires, des ateliers et webinars « branchés (découverte des nouveaux régimes GenY comme le paléo), et des événements festifs ou culturels.

Pour conclure : la tendance à l’ultra proximité ne va pas faire disparaître les centres commerciaux et les commerces de périphéries, qui vont perdurer en s’adaptant. Mais le client bio des années 2020 va opérer plus que jamais un arbitrage permanent entre désir de consommer, praticité, et recherche d’authenticité, de simplicité et de proximité humaine. Une enseigne bio moderne doit répondre à toutes ses attentes en diversifiant ses formats et ses emplacements, en accélérant la livraison à domicile, les casiers de retrait, avec une commande en ligne performante. Il faut, dans le même temps, être perçu comme un VRAI commerce de proximité attrayant, chaleureux, qui connaît ses clients, participe à une vie de quartier… et change le monde.

Fin de la deuxième partie – Sauveur Fernandez, l’Econovateur, accompagnateur marketing innovation — fsauveur@econovateur.com

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